44- Chronolgie des événements de la signature du Protectorat Français (19ème Partie)
Le journal officiel tunisien Er-Raid ne dit pas un mot de la convention conclue dans la journée de jeudi. Il se borna à publier une note sur l'entrevue qui eut lieu le vendredi matin au Bardo entre le bey, le général Bréart et M. Roustan. Voici cette note, qui est assurément fort originale, surtout étant donné le silence de la feuille officielle sur le traité du Bardo.
A V I S
Louange à Dieu.
Le Raîd tunisien informe le public qu'hier samedi une entrevue amicale a eu lieu entre S.A. le bey et M. le général Bréart, commandant en chef de l'armée française, qui se trouve dans le voisinage de la capitale.
Cette entrevue a eu lieu en présence du chargé d'affaires et consul général du magnanime gouvernement de
France. Elle avait pour but de démontrer les rapports d'amitié qui existent entre les deux nations.
Son Altesse a prié le susdit général d'abandonner son projet d'entrer dans la capitale, afin d'éviter la surexcitation qui aurait pu se produire parmi les habitants, par suite de ladite entrée; il l'a prié également de repartir avec son armée.
M. le général a acquiescé à cette demande, et Son Altesse a reçu de lui l'assurance que les troupes n'entreraient point à Tunis, et qu'elles reprendraient le chemin par lequel elles étaient venues, afin de rassurer les habitants et de leur affirmer la plus complète sécurité.
Nous nous empressons de publier le présent avis.
Tunis, 17 djoumada ethani 1298 (15 mai 1881).
La population européenne éprouva une vive satisfaction de voir la situation déblayée et surtout d'avoir auprès d'elle les troupes françaises dont la présence était une garantie pour sa sécurité. Pendant les journées du vendredi et du samedi, la route de Tunis à la Manouba et les trains du chemin de fer ne désemplirent pas. Les Français, les Israélites, les Maltais, les Mozabites se donnaient tous le camp français pour but de promenade.
La route était sillonnée à tout instant par des équipages de toute forme, carrosses, charrettes, siciliennes, mulets harnachés, bourriquots sur lesquels pendaient les longues jambes des négres. Les Européens commentaient beaucoup la nomination de M. Roustan au grade de ministre plénipotentiaire de 1ère classe dont la nouvelle s'était répandue le 13 au soir.
Les Italiens en montraient une vive irritation. La colonie française ne cachait pas par contre le contentement qu'elle éprouvait à voir récompenser notre habile et énergique représentant et à constater cette première et importante conséquence de la nouvelle situation. Elle se montrait moins satisfaite du maintien de Mustapha comme premier ministre.
Dans la journée du dimanche 15 mai, le général Bréart passa la revue des troupes cantonnées à la Manouba. M. Roustan, en grande tenue, était présent à côté du général. Une foule très nombreuse était venue de Tunis. Plus de six mille personnes assistaient à la revue ; parmi elles très peu de musulmans.
Le bey devait assister la revue, mais au dernier moment il se fit excuser. La revue avait eu lieu à quatre heures.
A dix heures du matin, le général Bréart avait reçu la colonie française au palais du consulat, entouré de douze officiers d'état-major.
Le lendemain 16, les colonnes commencèrent leur mouvement pour rejoindre les brigades Logerot et Delebecque. Les troupes quittèrent le camp de la Manouba et se transportèrent à Djedeida où le général
Bréart devait rester jusqu'à la fin mai, pendant que la brigade Maurand, composée d'un bataillon du 38ème de ligne, du 30ème bataillon de chasseurs, d'un escadron du 1er hussards et d'une batterie d'artillerie se dirigeaient sur Mateur.