jeudi 26 avril 2007

52- Moulay Hassan : le Roi Efféminé de Tunis (1533)

Le capitaine Espagnol Ochoa d’Ercilla a été longtemps prisonnier du roi de Tunis, et, à peine arrivé à Tolède, il s’empresse communiquer les observations qu’il a recueillies pendant sa captivité.

« La ville de Tunis, dit-il, qui n’a qu’une mauvaise enceinte, sans fossés ni parapets, compte à peine 6,000 habitants. Elle était plus peuplée autrefois ; mais aujourd’hui elle est comme abandonnée ; beaucoup de maisons tombent en ruines. La Kasbah, entourée d’un mur en meilleur état que celui de l’enceinte de Tunis, est située dans la partie haute de la ville ; elle couvre une étendue assez considérable. La population des deux faubourgs, composée de Maures et d’Arabes, s’élève à 14.000 âmes ; elle a diminué comme celle de la ville. Le roi ne réside jamais dans l’un ou l’autre faubourg, car il est fort mal vu des habitants, qui ne lui obéissent que lorsqu’ils y sont contraints par la force.

On ne trouve dans la ville et dans les faubourgs aucune artillerie. Dans la kasbah, il y a un gros canon que le roi a fait fondre l’année dernière, deux autres pièces plus petites, une demi-couleuvrine et quatre sacres que les Maures de Tunis appellent cristianiscos, parce qu’ils ont été pris sur les chrétiens ; mais toute cette artillerie n’a ni trains, ni affûts, et je n’ai jamais vu, pour avoir soin de ces pièces et pour les servir, que quatre artilleurs (lombarderos), deux chrétiens et deux renégats. »

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« Le roi de Tunis, Moulay Hassan, est un homme de trente cinq ans environ, bien fait, plus blanc que noir (mas blanco que negro), mais efféminé, ne s’occupant que de ses plaisirs, et tellement vicieux dans sa manière de vivre, qu’il n’est pas possible de le dire. Il habile rarement la ville et passe la plus grande partie de son temps dans ses nombreuses maisons de plaisance, chassant au faucon ou chantant et pinçant de la guitare au milieu de ses femmes. On dirait un coq au milieu des poules .
Il a 300 esclaves chrétiens pour le servir, sans compter ses Arabes et 24 eunuques noirs. Il dépense beaucoup d’argent, et on ne sait pas comment il peut faire, car on m’a assuré que ses revenus ne s’élèvent guère qu’à 150,000 doblas (1).

Le capitaine Ochoa parle ensuite de certains chrétiens qui habitent Tunis, los Rebatines, comme il les appelle.
« On sait que les rois de Tunis et les autres souverains du Maghreb entretenaient à leur service des hommes d’armes chrétiens. On trouve à ce sujet des détails intéressants dans certains traités conclus avec les rois d’Aragon. Les anciennes chroniques parlent aussi d’un noble vénitien, nommé Francesco Zuliani, qui fit longtemps la guerre en Afrique avec un corps de cavaliers pour le compte d’un roi de Tunis. Voici comment l’historien Ibn Khaldoun explique la présence des soldats chrétiens dans les armées africaines : « Les rois du Maghreb, dit-il, ont pris la coutume d’enrôler des troupes franques ; ils le font, parce que leurs compatriotes, en combattant, feignent toujours de fuir, puis, se retournant, reviennent fondre sur l’ennemi ; les Francs, au contraire, combattent en restant inébranlables à leur poste. »

« Les Rabatins de Tunis, dit Marmol, ainsi appelés parce qu’ils habitaient un des faubourgs de la ville (Rabat), descendaient de ces chrétiens musarabes que Jacob Almansor, de la lignée des Almohades, avait fait venir d’Espagne pour la garde de sa personne et pour s’en servir à la guerre. Passant par Tunis, il en laissa quelques-uns au gouverneur de ce royaume. Les Rabatins, tous gentilshommes, étaient fort riches et fort vaillants, et les rois en faisaient grand état, parce qu’ils s’opposaient à la furie des Arabes, Lorsque Charles-Quint s’empara de Tunis, ils entrèrent à son service, repassèrent en Europe avec lui; et se répandirent en divers endroits, où il leur donna quelques appointements. » »

(1) monnaie castillane d'or.

Source : L’occupation Espagnole en Afrique (1506-1574)
A. Jourdan, Libraire-Éditeur- Edition 1875

mardi 10 avril 2007

51- Tunis racontée par Al Bakri en 1068 JC (4ème partie)

De Tunis à Carthadjenna (Carthage) y a une distance de douze milles. On dit que cette dernière ville fut bâtie par Didon, roi contemporain de David (père de Salomon), et que, entre l’époque de sa fondation et celle de la ville de Roumiya (Rome), il y avait un intervalle de soixante et douze ans.

Celui qui entrerait dans Carthage tous les jours de sa vie et s’occuperait seulement à y regarder, trouverait chaque jour une nouvelle merveille qu’il n’aurait pas remarquée auparavant. Cette ville est située si près de la mer que la muraille est baignée par les vagues. Le mur qui l’entourait avait une étendue de quatorze mille coudées.

Le monument le plus merveilleux de Carthage c’est la liaison de divertissement, que l’on nomme aussi Thîater (théâtre). Elle se compose d’un cercle d’arcades soutenues par des colonnes et surmontées par d’autres arcades semblables à celles du premier rang. Sur les murs de cet édifice, on voit les images de tous les animaux et des gens qui s’adonnent aux métiers. On y distingue des figures qui représentent les vents: celui de l’orient a l’air souriant; celui de l’occident, un visage renfrogné.

Le marbre est si abondant à Carthage que, si tous les habitants de l’Ifriqiya se rassemblaient pour en tirer les blocs et les transporter ailleurs, ils ne pourraient pas accomplir leur tâche. On y voit aussi la Moallaca (suspendue), château d’une grandeur et d’une hauteur énormes; il se compose de voûtes en plein cintre, à plusieurs étages.
Vers l’occident de cet édifice, qui domine la mer, est le château connu sous le nom de Thîater, le même qui renferme la liaison de divertissement dont nous venons de parler; il a beaucoup de portes et de soupiraux, et se compose de plusieurs étages. Au-dessus de chaque porte on remarque l’image d’un animal en marbre, et des figures qui représentent les artisans de toutes les classes.

Indiquons encore le château nommé Coumech (cirque), qui est aussi à plusieurs étages appuyés sur des colonnes de marbre d’une grosseur et d’une hauteur énormes. Sur le chapiteau d’une de ces colonnes douze hommes pourraient s’asseoir, les jambes croisées, et avoir au milieu d’eux une table pour y manger ou pour y boire. Elles sont cannelées, blanches comme la neige et brillantes comme du cristal; quelques-unes restent encore debout, les autres sont tombées par terre.

On y remarque aussi une grande voûte dont l’extrémité échappe aux regards et qui renferme sept vastes réservoirs, nommés Mouadjel echaytan (les citernes des démons); ils contiennent une eau très ancienne qui y est restée depuis un temps immémorial.

Dans le voisinage du château de Coumech est une prison obscure, formée de voûtes posées les unes sur les autres, et dont l’entrée inspire l’effroi. On y trouve des cadavres qui conservent encore leur forme primitive, mais qui tombent en poussière aussitôt qu’on les touche. Le port était situé dans l’intérieur de la ville, et les navires y entraient voiles déployées; mais il n’est plus maintenant qu’un marais saumâtre.

Sur la hauteur qui le domine, on voit un château et un ribat nommé Bordj Abi Soleiman (la tour d’Abou Soleiman.). Au centre de la ville est un grand bassin entouré de mille sept cents arcades, dont une partie est restée debout jusqu’à nos jours. Les eaux d’Aïn Djocar (9), source située à quelques journées e distance, arrivaient à ce réservoir; elles coulaient vers Carthage par un grand canal qui passait tantôt sous terre, et tantôt sur des rangs d’arcades placés les uns sur les autres et s’élevant jusqu’aux nuages.
Obeid Allah Al Fatimi, ne buvait pas d’autre eau que celle d’Aïn Djocar; il s’en faisait venir, tous les jours, la charge d’un certain nombre de bêtes de somme.

On voit à Carthage deux châteaux nommés Al Okhtayne (les deux sœurs), qui sont entièrement construits en marbre et de la manière la plus solide; ils se composent de blocs qui s’emboîtent les uns dans les autres. Un ruisseau qui vient du côté du nord, et dont la source est inconnue, arrive jusqu’à ces édifices par un conduit, et va se décharger dans la mer. Sur ses bords on a établi des norias (roues à godet) pour fournir de l’eau aux villages (qui occupent l’emplacement) de Carthage.

Dans cette ville, on remarque plusieurs colonnes encore debout, dont la partie qui n’est pas cachée dans le sol a une hauteur de quarante coudées. Elles servaient à soutenir une voûte construite en pierre ponce, substance assez légère pour flotter sur l’eau. On y voit aussi une coupole d’une telle hauteur qu’un archer ne saurait en atteindre le sommet avec une flèche lancée de toute sa force. L’aire de cet édifice est en mosaïque et a cinquante coudées tant en longueur qu’en largeur.

Aujourd’hui les ruines de Carthage sont couvertes de beaux villages, riches et bien peuplés. Les diverses espèces de fruits que l’on y recueille sont d’une excellente qualité et ne sauraient être surpassés.

9- La position de cette source est bien connue: elle est à trois lieues sud-ouest du mont Zaghouan et à douze lieues de Tunis.

lundi 9 avril 2007

50- Tunis racontée par Al Bakri en 1068 JC (3ème partie)

La mosquée de la ville de Tunis est très élevé et domine la mer; aussi une personne assise dans l’intérieur de l’édifice peut voir très facilement les bateaux qui vont et qui viennent. On monte à cette mosquée, du côté oriental, par un escalier de douze marches.

A Tunis les bazars sont très nombreux et renferment des marchandises dont l’aspect remplit le spectateur d’admiration. On compte dans la ville quinze bains et beaucoup de caravansérails qui s’élèvent à une grande hauteur.
Les portes de toutes les maisons sont encadrées de beau marbre; chaque montant est d’un seul morceau; un troisième morceau, placé sur les deux autres, forme le linteau. De là vient le dicton: “A Tunis, les portes des maisons sont en marbre (rokham); mais à l’intérieur tout est couvert de suie (sokham).”

Tunis est un grand centre d’études; on y cultive surtout la jurisprudence, et plusieurs natifs de cette ville ont rempli les fonctions de grand cadi de l’Ifriqiya. Malgré cette particularité, qui lui fait tant d’honneur, Tunis s’est toujours distinguée par la fréquence de ses révoltes contre les souverains de l’Ifriqiya et par sa promptitude à résister aux ordres de ses gouverneurs; plus de vingt fois elle s’est mise en insurrection.

Du temps d’Abou-Yazid, les habitants eurent à subir une dure épreuve: le massacre, la captivité et la perte de leurs biens.

On fabrique dans cette ville des vases d’argile nommés rihïia (aériennes), qui servent à contenir de l’eau; ils sont d’une blancheur éclatante et minces au point d’être presque diaphanes. On ne trouve rien de comparable dans aucune autre ville ou région de la terre.

Tunis est une des plus illustres villes de l’Ifriqiya et des plus riches en excellents fruits; il y a surtout une amande que l’on nomme frik (friable), parce que la coque en est si mince qu’on peut la briser en frottant l’un de ces fruits contre l’autre; on peut même l’écraser avec la main. Presque toujours on trouve deux noyaux dans chaque coque, ce qui ne les empêche pas d’être très gros et très agréables au goût.
Citons encore la grenade tendre, dont les grains ne renferment pas de pépins, et ce fruit, rempli de suc, est d’une douceur parfaite; le gros citron, d’un goût délicieux, d’une odeur agréable et d’un aspect séduisant; la figue nommée el-kharemi, qui est noire, grande, mince de peau, pleine d’un suc mielleux, et, presque toujours, sans graines; le coing, qui n’a pas de pareil pour la grosseur, la douceur et le parfum; les jujubes fines, grandes comme des noix; l’oignon nommé el-callaouri (le calabrien), grand comme une orange, de forme allongée, â peau mince, très juteux et d’un goût franc et parfait.

Le poisson est très-abondant à Tunis et on y trouve plusieurs espèces qui ne se rencontrent pas ailleurs. Chacune d’elles fréquente alternativement la mer de Tunis pendant l’un des mois de l’année chrétienne; puis elle disparaît tout à fait jusqu’au même mois de l’année suivante. Ce changement permet aux habitants de Tunis de se livrer aux jouissances du goût sans interruption et sans éprouver de la satiété. Ces espèces servent aussi à faire des salaisons qui se conservent pendant plusieurs années sans rien perdre ni de leur forme, ni de leur bonne saveur. Dans le nombre, nous pouvons citer l’âbanec, l’octobrien (8), l’achbarus
(sparus), le menkous (ombrine) et le bacounis; on connaît le dicton populaire: Sans le bacounis, point de révolte à Tunis.

8- Le poisson qui, de nos jours, paraît en octobre dans le golfe de Tunis, s’appelle chelba: c’est une espèce de dorade.

samedi 7 avril 2007

49- Tunis racontée par Al Bakri en 1068 JC (2ème partie)

A l’est de la ville de Tunis est un grand lac qui a vingt-quatre milles de circuit; au milieu se trouve une île nommée Chekla (Chikli), qui produit du fenouil et qui renferme les restes d’un vieux château.
Cette île a environ deux milles de circuit. D’après les dispositions qui furent adoptées, l’arsenal de Tunis touchait au port et le port au lac, lequel communique avec la mer. Sur le bord du port on voit une mosquée appelée la mosquée Abdallah et, au sud du port, un château construit en pierre d’une manière très solide.

Au nord du port s’étend une clôture de pierre semblable à une muraille. Pour entrer au port, les navires doivent passer entre la muraille du château et celle-ci (la Goulette actuelle); une chaîne de fer, que l’on peut tendre à travers ce passage, empêche, au besoin, les bâtiments d’y pénétrer et d’en sortir.
Ce château s’appelle Kasr Esselsla “le château de la Chaîne.”

Au sud de cet édifice on voit deux citernes que les souverains aghlabides tenaient remplies de poissons, après y avoir fait introduire les eaux de la mer.
Nous avons dit ailleurs que l’arsenal fut bâti par Obeid-Allah ibn el-Habhâb; mais il est possible que l’auteur de ce renseignement ait voulu dire qu’Obeid-Allah avait réparé les murs et augmenté les fortifications de cet édifice.
Depuis lors Tunis n’a jamais cessé de nourrir une population considérable et d’envoyer des navires musulmans sur les côtes du pays des Roums, afin d’y porter le ravage et la dévastation.

Située au pied d’une colline appelée Djebel Omm Amr (Djabel Ammar actuel), Tunis est entourée d’un fossé qui la rend inabordable. Elle a cinq portes, dont l’une, celle qui porte le nom du péninsule de Cherik (le nom d’un des compagnons d’Okba) regarde le midi et donne passage aux voyageurs qui se rendent à Kairouan.
Vis-à-vis s’élève le Djebel Ettouba (2), haute montagne qui n’offre pas la moindre trace de végétation et dont la cime est couronnée par un château fort (3) qui a vue sur la mer. A l’orient de ce château est une porte cintrée par laquelle on entre dans une caverne nommée El Machouc (4); et à l’occident du même château on voit une source d’eau.

Le Djebel Essayada (5) située à l’occident du Djebel Ettouba, est couvert de villages, d’oliviers, d’arbres fruitiers et de champs cultivés. On y remarque sept réservoirs voûtés, ayant tous la même dimension.
A l’occident de cette montagne on voit une chaîne de collines bien cultivées qui s’étendent jusqu’à l’endroit nommé El Melab. On y a planté des arbres fruitiers et une grande variété d’arbustes odoriférants.

A l’Orient de Tunis se trouve le port, le lac dont nous avons parlé et un marais salant. Du même côté est la porte de Carthage (Bab Carthadjenna); entre elle et le fossé (qui entoure la ville) on remarque un grand nombre de jardins et plusieurs puits surmontés de machines hydrauliques; aussi cet endroit porte-t-il le nom de Sewani al-Merdj (les machines hydrauliques du marais).

Au nord de la ville est le Bab Sakaine (la porte des porteurs d’eau), ainsi nommée parce que ces gens fréquentent un puits (bîr) qui en est vis-à-vis et qui se nomme Bîr Abi’l-Kifar. L’eau de ce puits est très abondante, parfaitement douce et limpide.

De ce côté de la ville on voit plusieurs châteaux construits par les Aghlabides, et quelques jardins plantés en arbres fruitiers et en plantes aromatiques. Cette localité touche au pied d’une montagne aride qui porte le nom d’Abou Khafadja (6) et dont la cime est couronnée par les ruines d’un ancien édifice.

Dans le voisinage du Bab Artah, porte qui est située à l’occident de la ville, il y a un cimetière nommé Makbera Souk al-Ahad (le cimetière du marché du dimanche). Entre cette porte et le fossé (qui entoure la ville) est un grand amas d’eau que l’on appelle Ghdir El Fahamine (l’étang des charbonniers).

Au milieu du Rbadh El Mardha (le faubourg des malades, des lépreux), qui est à l’extérieur de la ville, se trouve une grande saline (7) d’où les habitants de Tunis et des lieux voisins tirent leur approvisionnement de sel.

2- Djebel Djellaz actuel
3- Actuel Bordj Ali Rayes
4- Peut être el-maachouk, celle qui a été utilisée par le Marabout Echadly pour ses méditations
5- Possible Djebel Djeloud actuel
6- Actuel Belvédère
7- Lac Sedjoumi

vendredi 6 avril 2007

48- Tunis racontée par Al Bakri en 1068 JC (1ère partie)

Hassan ibn en-Nôman marcha jusqu’à Aratar (1) et livra un combat aux Roums dans la plaine de Tunis. Alors ils le prièrent de ne pas entrer de force chez eux, et ils s’engagèrent à lui payer le kharadj et à fournir des montures, en nombre suffisant, pour lui et pour ses compagnons. Il accepta cette proposition.
Les Roums avaient alors plusieurs navires qu’ils tenaient tous prêts auprès de la porte des femmes (Bab en-Niça); aussi s’empressèrent-ils de s’y embarquer avec leurs familles et leurs trésors, et de s’enfuir pendant la nuit. Hassan étant entré dans la ville, qu’ils venaient d’abandonner, la saccagea et la livra aux flammes. Il y construisit une mosquée et y laissa un détachement de musulmans.

La supercherie employée par le seigneur de Carthadjenna “Carthage” pour tromper Hassan ibn en-Noomane fut analogue à celle que nous venons de raconter: les Roums s’enfuirent de la place, mais Mornac, le gouverneur, y resta avec sa famille. Hassan reçut alors de lui un message ainsi conçu: “Si tu veux faire un traité avec moi et mes enfants, tu me concéderas certaines terres que je te désignerai; alors j’ouvrirai une des portes de la ville afin que tu puisses y entrer et surprendre tous ceux qui s’y trouvent.”

Hassan donna son consentement, et Mornac lui demanda la concession de tous les établissements situés dans la plaine qui sépare les deux montagnes (baïn el-djeblaïn) et que l’on nomme encore Fahs Mornac “la plaine de Mornac”.
Ces établissements consistaient en trois cent soixante villages. Hassan, s’étant ainsi fait ouvrir la porte de la ville, y entra et ne trouva personne, excepté le gouverneur et sa famille. Il remplit toutefois la condition à laquelle il s’était engagé, puis il s’en retourna à Kairouan.

Les Roums, vinrent alors avec leurs navires afin d’attaquer les musulmans qu’on avait laissés dans la ville de Tunis. Ils tuèrent, pillèrent et emmenèrent en captivité tous ceux qui s’y trouvaient. Les musulmans n’avaient pas d’asile où ils auraient pu se retrancher, parce qu’on les avait laissés sous la tente.

A la réception de cette nouvelle, Hassan partit pour Tunis: et ordonna à une quarantaine de ses Arabes, gens de haute naissance, de se rendre en mission auprès d’Abd el-Malek ibn Marouane. Il écrivit aussi à ce Calife pour l’informer des maux qui affligeaient les musulmans, et il resta en observation devant l’ennemi, en attendant la réponse.

Abd el Malek prit cette nouvelle fortement à cœur et il écrivit alors à son frère, Abd el-Aziz, gouverneur de l’Egypte, lui ordonnant d’envoyer au camp établi à Tunis mille Coptes avec leurs familles, auxquels il aurait à fournir des montures lorsqu’ils seraient prêts à quitter Egypte, et tous les secours dont ils pourraient avoir besoin, jusqu’à leur arrivée à Tarchîch (c’est-à-dire à Tunis).

Il écrivit aussi à Hassan Ibn en-Noomane, lui prescrivant de faire bâtir un arsenal, dans lequel on établirait ces gens et dont on ferait un point d’appui et d’approvisionnement pour les musulmans. Il lui ordonna aussi d’imposer aux Berbères, comme obligation perpétuelle, la tâche d’y amener à force de bras les bois nécessaires à la construction des navires, vu qu’il aurait à y faire équiper une flotte, afin de pouvoir combattre les Roums par terre et par mer, et opérer des descentes sur le littoral de leur pays.
De cette manière on empêcherait l’ennemi de rien tenter contre Kairouan et l’on mettrait les musulmans à l’abri de tout danger.

Hassan était encore à Tunis quand les Coptes y arrivèrent. Par son ordre on fit venir les eaux de la mer depuis le lac de Radés jusqu’à l’arsenal; les Berbères apportèrent du bois; les navires s’y construisirent en quantité, et les Coptes s’occupèrent à les équiper.

1- Cette localité devait être située à l’occident de Tunis, puisque la porte nommée Bab Artah se trouvait de ce côté de la ville. Artah était un compagnon d’armes d’Okba.