mercredi 28 février 2007

40- Chronolgie des événements de la signature du Protectorat Français (15ème Partie)

L'occupation de Bizerte et les évènements qui l'ont suivie étaient le développement inattendu, mais régulier et logique, de la double campagne que nous avions à conduire en Tunisie. On pourra dire de l'expédition d'avril 1881 qu'elle à été une promenade militaire et une campagne diplomatique. Il n'y avait pas de plus court et de plus sûr chemin pour atteindre ce but qui s'imposait la France. Il eût été puéril de considérer les Kroumirs comme une puissance et d'engager avec eux une guerre l'européenne. Pénétrer sur leur territoire, l'explorer, le reconnaître, rendre toute résistance impossible et prendre des précautions pour l'avenir en traçant des routes et en construisant quelques blockhaus, accomplir cette œuvre toute stratégique en versant le moins de sang possible, voilà quelle était la première opération.

Profiter de l'expédition des Kroumirs pour aller faire voir quelques pantalons rouges au gouvernement du bey et lui faire reconnaître par un traité en bonne forme que nous étions ses plus proches voisins et ceux dont l'amitié lui était avant tout nécessaire, tel était le second but de la campagne, celui qu'allait poursuivre la colonne française qui devait débarquer à Bizerte. Cette seconde opération avait relativement une importance beaucoup plus considérable que la première, et l'Europe ne s'y trompa pas plus que le bey.
Le débarquement de nos troupes à Bizerte causa un véritable trouble à Londres et en Italie. Bizerte est la clef de la Tunisie du nord et le port le mieux situé et le mieux doué par la nature de tous ceux qui sont sur la côte africaine.
La France en sortirait-elle une fois qu'elle y serait entrée? Telle est la question que se posa immédiatement l'Europe et que le traité du Bardo a résolue.

Le 29 avril, les canonnières "le Léopard", "l'Hyène", "le Chacal", le croiseur "le Tourville" et les deux transports "le Corrèze" et "la Vienne" étaient en rade à Tabarka lorsqu'arrivèrent la corvette cuirassée de 1er rang "la Galissonnière", ayant à son bord le contre-amiral Conrad, "la Surveillante", "l'Alma", corvette cuirassée de 2ème rang, commandant Miot.

Les trois navires se tinrent sous vapeur pendant que l'amiral faisait envoyer à la canonnière "le Léopard" l'ordre d'appareiller pour les suivre. Le soir les navires partaient et arrivaient le lendemain matin 1er mai à six heures à Bizerte. L'escadre s'embossa immédiatement devant les forts et les batteries.
Des chaloupes à vapeur furent mises à l'eau, prêtes à remorquer les compagnies de débarquement des trois grands navires. Ces préparatifs n'avaient pas duré une demi-heure.
Le vice-consul français averti arriva en canot avec le capitaine du port tunisien, ils montèrent à bord au moment où le contre-amiral se disposait à envoyer au gouverneur un pli contenant sommation d'avoir à livrer la ville dans deux heures. Le vice-consul et le chef d'état major de l'amiral se rendirent chez le gouverneur.
Après une demi-heure de pourparlers, le gouverneur, beau-frère du bey, consentit à rendre la ville à la condition qu'on respecterait la vie et les biens des habitants et qu'on lui délivrerait un écrit constatant qu'il a cédé à la force.
A onze heures, 400 fusiliers marins des équipages de "la Galissonnière", de "l'Alma" et de "la Surveillante", étaient envoyés à terre dans les chaloupes à vapeur des trois cuirassés, traînant à leur remorque une flottille d'embarcations pavoisées de drapeaux tricolores.
Les 400 fusiliers, placés sous le commandement du capitaine de vaisseau Miot et guidés par l'interprète du consulat, descendaient sur les quais à l'entrée du canal et prenaient le chemin de la casbah et des différents forts où ils arboraient le drapeau français. Nos marins sur les vergues des navires saluaient par le cri trois fois répété de : Vive la République ! et la Marseillaise était jouée par la musique du vaisseau amiral.

L'occupation complète des bastions et des forts détachés de Sidi-Salem et Sidi-Hadid était terminée au milieu de l'après-midi. Nos fusiliers n'avaient rencontré aucune résistance. Le gouverneur avait donné l'ordre à la population arabe de se retirer des quais où se tenaient seulement quelques israélites, des Maltais et des Italiens.
La masse de la population avait d'ailleurs éprouvé une sorte de panique, et un grand nombre d'habitants avaient évacué la ville, les uns fuyant vers Tunis, d'autres se réfugiant à Mateur.
Les Maures, encore sous le coup de la lettre d'Ali-bey étaient convaincus que nos troupes allaient piller la ville, violer les femmes et tuer lés enfants.

Le 2 mai, l'aviso "le Cassard" et deux transports, "la Dryade" et "la Sarthe", débarquaient des troupes. Le lendemain trois transports de la compagnie transatlantique amenaient le général Bréart et plusieurs autres régiments. En trois jours, près de 6,000 hommes avaient été débarqués à Bizerte. Ces troupes appartenaient au 20ème, 38ème et 92ème de ligne, au 30ème bataillon de chasseurs à pied, au 1er hussards.

L'artillerie était représentée par des batteries de campagne ou de montagne, des 1er, 9ème, 12ème, 13ème et 23ème régiments. La colonne de débarquement comprenait en outre une compagnie du 4ème génie, une compagnie du train, une ambulance complète sous la direction de M. Chartier, médecin principal, une direction du service administratif, de la gendarmerie, des employés des postes, une section topographique et un service de télégraphe complet, 4 officiers, 16 sous-officiers, 5 chefs d'équipe, 21 ouvriers et le matériel de campagne nécessaire.

La bonne tenue de nos troupes, leur respect pour les habitants et plus encore l'argent que nos soldats dépensaient changèrent bientôt les sentiments d'une population naturellement pacifique.
Un grand nombre d'habitants étaient déjà revenus au bout de trois jours, et, cédant à leurs instincts commerçants, ne songeaient plus qu’à profiter de la présence de nos troupes. Les fruits, les œufs, les poulets abondèrent dans les boutiques qui s'étaient fermées le jour du débarquement et qui se rouvrirent le lendemain même, tous ensembles comme par enchantement. Les œufs, qui valent ordinairement 20 centimes la douzaine, se vendirent un sou pièce; les poulets, qui valaient dix sous, montèrent à 2 et 3 francs. Les Arabes n'avaient jamais été à pareille fête, et un grand nombre ne tardèrent pas à se féliciter de l'arrivée des Français.
Les Maltais et les Italiens, oubliant la politique, allèrent à Tunis faire des provisions et revinrent bientôt en ville avec des voitures chargées de fruits, de victuailles et de bibelots de toute espèce qu'ils vendirent fort cher à nos soldats.
L'occupation de Bizerte produisit à Tunis et dans toute la région du nord-est une très vive émotion. Personne ne s'y attendait. L'expédition avait été conduite avec beaucoup d'habileté et de discrétion.
En quittant Toulon les commandants des premiers navires de débarquement ignoraient vers quel point ils devaient se diriger. Les lettres de destination cachetées ne furent ouvertes, qu'à bord et les équipages croyaient se rendre à Bône et à la Calle. Après avoir quitté Tabarka l'escadre rencontrait en mer l'aviso "le Cassard" qui avait été la veille à Bizerte prendre auprès du vice-consul de France des renseignements sur l'état d'esprit des populations.

Le premier sentiment de l'entourage du bey, en apprenant l'occupation de Bizerte, fut d'appeler à la guerre sainte. C'était l'avis personnel du premier ministre, et c'était aussi celui de la population arabe. Mais les conseils de la réflexion prévalurent, et le lendemain le bey se borna à adresser à notre chargé d'affaires la nouvelle protestation suivante dont il envoya copie aux consuls étrangers :

« Nous avons déjà protesté contre l'entrée des troupes françaises sur le territoire de la Régence du côté des Kroumirs et notamment du côté du Kef, contrairement à notre volonté. Depuis, les troupes françaises ont occupé le Kef, une des forteresses de notre Régence. Cette occupation s'étant effectuée en violation de tous les principes du droit des gens, il est de notre devoir de réitérer pour ce fait nos protestations les plus formelles contre votre gouvernement.
D'autre part, le gouverneur de Bizerte nous a informé que hier des navires de guerre français se sont présentés devant Bizerte et ont demandé à occuper la ville et les forts menaçant de s'en emparer par force.
Comme nous sommes en état de paix avec le gouvernement de la République française, nous avions prescrit à qui de droit d'éviter tout conflit entre nos soldats et ceux de l'armée française. Par suite de ces instructions le gouverneur de Bizerte n'a pu repousser cet acte par la force, et les soldats français ont occupé Bizerte et ont arboré le drapeau français sur les forts. Cette occupation, quand nous sommes en état de paix avec votre gouvernement, est un fait insolite et contraire à toutes les règles du droit et à tous les principes.
Par conséquent, nous protestons de la manière la plus solennelle contre l'occupation présente. Cette protestation doit être considérée comme faisant suite aux précédentes, comme se joignant à elles pour toutes fins que de droit.
Nous ne pouvons pas, pourtant, ne pas exprimer le regret de nous voir traités de la sorte par un gouvernement ami que nous avons toujours traité avec tous les égards et avec lequel nous nous sommes toujours efforcé de conserver les meilleurs rapports.
MOHAMED ES-SADOC.
Le 2 mai.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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