42- Chronolgie des événements de la signature du Protectorat Français (17ème Partie)
Au Bardo, les journées du 9 et du 10 mai n'avaient pas été moins agitées. Le bey avait passé par les situations d'esprit les plus diverses. Il comprenait l'impuissance ou il était de résister aux légitimes demandes que le gouvernement français allait lui adresser. D'autre part, son entourage le sollicitait vivement de résister ou plutôt de temporiser en faisant valoir l'agitation qui régnait parmi les tribus de la Régence et les dangers que son autorité courrait si les populations musulmanes pouvaient l'accuser d'avoir livré le pays aux Français.
Le 10 mai au matin, il avait déclaré devant plusieurs familiers qu'il ne signerait aucun traité et qu'il préférait mourir que d'accepter le protectorat. Cependant l'arrivée du général Bréart à la Manouba, le 12 mai au matin, produisit sans doute une assez vive impression sur lui, car le bey écrivit à M. Roustan, notre chargé d'affaires, pour protester contre la présence de nos troupes près de sa résidence, mais pour déclarer en même temps qu'il accorderait au général Bréart l'entrevue demandée.
A midi, M. Roustan avait reçu la lettre du bey par M. le comte de Sancy, ancien consul français et directeur des haras tunisiens. A midi et demi il faisait atteler et se rendait au camp. A trois heures et demie, notre chargé d'affaires quittait la Manouba en voiture avec le premier drogman du consulat, M. Summaripa, après une longue conférence avec le général Bréart. M. Roustan se rendait à. Kasar-Saïd, palais du bey.
Une demi-heure après le général Bréart partait de la Manouba à cheval, accompagné de son état-major et de la plupart des officiers supérieurs de la colonne. Deux escadrons faisaient escorte.
Malgré une pluie battante, une foule considérable venue de Tunis dans la matinée suivit le cortège à pied ou en voiture jusqu'à, la grille de Ksar-Saïd. L'escorte traversa un splendide jardin planté de beaux arbres, orangers, mûriers, poivriers, et décoré de colonnes de marbre surmontées d'aigles, de levrettes et d'autres figures d'animaux.
Un peloton de soldats tunisiens forme la haie sur deux rangs et rend les honneurs militaires. Les tambours battent aux champs. Nos escadrons de hussards restent rangés en bataille devant la grille du palais.
Le général Bréart met pied A terre devant la grande porte du palais, vaste bâtisse décorée en style mauresque mélangé de rococo. De chaque côté, derrière les soldats tunisiens, on aperçoit une trentaine d'eunuques, de pages et de domestiques nègres regardant ce spectacle avec l'attitude indifférente particulière aux musulmans.
Le général, suivi de son escorte, monte le splendide escalier de marbre qui conduit aux apparentements intérieurs, et est introduit dans un salon où se tiennent le bey et le premier ministre, ainsi que M. Roustan.
Notre chargé d'affaires présente le général Bréart à Mohammed es Sadok qui, après les nombreux salamalecs en usage dans le cérémonial arabe, le prie de s'asseoir. Le bey était en pantalon gris perle, redingote noire et fez rouge. Mustapha était également en costume européen.
Le général Bréart prend la parole et dit au bey qu'il vient remplir la mission que lui a donnée le gouvernement de la République dans le but de rétablir de bonnes relations entre les deux pays et d'éviter tout conflit ultérieur. Il lit ensuite la dépêche qui lui confie les pouvoirs nécessaires pour conclure un traité :
« Le gouvernement de la République française, désirant terminer les difficultés pendantes par un arrangement amiable, qui sauvegarde pleinement la dignité de Votre Altesse, m'a fait l'honneur de me désigner pour cette mission.
Le gouvernement de la République française désire le maintien de Votre Altesse sur le trône et celui de votre dynastie. Il n'a aucun intérêt à porter atteinte à l'intégrité du territoire de la Régence. Il réclame seulement des garanties jugées indispensables pour maintenir les bonnes relations entre les deux gouvernements. »
Le général Bréart termine en demandant au bey s'il veut entendre lecture des propositions de la France. Le bey répond qu'il les entendra (puisqu'il ne peut pas faire autrement).
Le général donne alors lecture du texte objet du Protectorat : http://tunisiecoloniale.blogspot.com/2007/01/19-copie-roiginale-du-trait-du-bardo-de.html
Cette lecture terminée, le bey demanda le temps de réfléchir et de consulter ses ministres. Le général
Bréart répondit en acceptant la demande du bey, mais en déclarant que le gouvernement de la République avait besoin d'une prompte réponse, et qu'il accordait seulement un délai de deux heures, c’est-à-dire jusqu'à huit heures.
Cette réponse parut vivement préoccuper le premier ministre du bey, qui échangea quelques paroles avec Mohammed es Sadok. Il y eut un court silence, puis la conversation reprit. Le bey répliqua que le délai accordé était trop court. Le général insista : « Nous voulons, dit-i1, avoir une réponse aujourd'hui même. » Le bey continuant à alléguer la nécessité d'un plus long délai, M. Roustan fait remarquer que tous les articles de traité proposé ont été depuis longtemps discutés avec le premier ministre du bey, lequel est présent A l'entrevue, et qu'ils ont été l'objet d'une longue délibération dans le conseil des ministres. D'ailleurs, le conseil peut être réuni à l'instant même. Le général Bréart répète qu'il doit avoir une réponse dans la journée et qu'il ne pourrait se prêter à aucun atermoiement sans manquer aux instructions rigoureuses de son gouvernement.
Le bey répond que, puisque cette précipitation est chose imposée, il est bien obligé d'accepter les conditions qui lui sont faites. Pour clore la discussion, le délai est prolongé jusqu'à neuf heures du soir.
L'état-major français se retire alors dans un salon du rez-de-chaussée, pendant que les dignitaires tunisiens qui occupent ce salon allaient conférer avec le bey dans le salon du premier étage. Il était alors six heures.
Vers sept heures, le bey faisait dire au général qu'il était prêt à signer ; le général remontait avec M. Roustan au premier étage, et l'acte diplomatique recevait les signatures du bey, de Mustapha, du général Bréart et de M. Roustan.
Le premier ministre, qui paraissait très troublé pendant le premier entretien, se montra au contraire fort expansif dans cette seconde entrevue et échangea des poignées de main avec les officiers français. Au moment de prendre congé; le bey demanda au général Bréart de vouloir bien retirer ses troupes des environs de Ksar-Saïd et de ne pas les faire entrer à Tunis, afin de ne pas entretenir l'agitation qui régnait au Bardo et dans la capitale de la Régence. Le général répondit au bey qu'il eût désiré de le satisfaire sur l'heure, mais qu'il ne pouvait se rendre à son désir avant d'en avoir référé à son gouvernement.
Le lendemain matin, le général Bréart et M. Roustan eurent une seconde entrevue avec le bey. Le général déclara à Mohammed es Sadok qu'il était heureux de pouvoir lui annoncer que, déférant au désir exprimé par le bey, le gouvernement français avait résolu de ne pas faire entrer ses troupes à Tunis.
Le bey remercia vivement le général, l'assura de son amitié et lui conféra le grand cordon de l'ordre tunisien du Nichan Iftikhar.
La nouvelle de ces événements était à peine répandue à Tunis, qu'elle y provoquait une très vive agitation dans les cercles arabes. Plusieurs gros personnages tunisiens, à la tête desquels étaient Larbi Zarrouck, un des ministres et le chef de la municipalité, se joignaient au cheik-al-Islam et aux ulémas pour exciter les Arabes et surtout les cheiks des tribus du sud, qui depuis plusieurs jours étaient arrivés en grand nombre à Tunis.
Ali-bey était venu, le 12 au soir, de son camp de Medjez-el-Bab, et après une longue entrevue avec son frère était reparti pour son habitation de la Marsa à Carthage.
Le 12 mai au soir, le cheik-al-Islam était également allé au Bardo voir le bey, et lui demander communication du traité avec la France, au nom des notables de la ville. Le bey avait ajourné cette communication; mais, pour donner satisfaction dans une certaine mesure aux sentiments du parti de la résistance, il adressa sur l'heure la dépêche suivante à Saïd-pacha, premier ministre à Constantinople :
« Un général français est venu dans mon palais avec une escorte de cavalerie, a soumis à ma signature un traité de protectorat et m'a déclaré qu'il ne quitterait le palais qu'avec une réponse pour laquelle il m'accordait quatre heures.
Me voyant sous la pression de la force, par suite de la présence d'une armée près de ma résidence, j'ai dû, pour mon honneur et en vue d'éviter une effusion de sang, signer le traité, sans l'examiner ni le discuter, tout en déclarant que je signais contraint par la force. »
2 commentaires:
Bonjour et merci pour le gentil commentaire.
Tu peux m'envoyer l'article sur cette adresse email : supracrevette@yahoo.fr
Donc Supracrevette c'est aussi mon pseudo sur le forum Mac125
à très bientôt
J'ai oublié un petit détail, si tu veux que l'article apparaisse au prochain numéro il faut l'envoyer avant le 18 mars, si tu n'as pas le temps c'est pas grave ce sera pour le numéro d'après.
Biz
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