jeudi 6 août 2009

78- La Conquête de Tunis par les Turcs (6ème partie)

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Une année après, Moulay Hassan est arrivé à soumettre Bizerte, et il est allé lui-même superviser le démantèlement de ses remparts (fin 1535).
En 1536, la situation fut loin de s’améliorer, si l’on en juge par les instances de Moulay Hassan auprès de l’empereur, à l’effet d’obtenir des troupes régulières qui lui auraient permis de chasser les quelques Turcs restés dans le pays et leurs partisans, de réduire à la soumission les Chabbïa qui gouvernaient Kairouan et enfin de soumettre les villes dissidentes.

Si ces renforts ne pouvaient lui être donnés, le roi de Tunis déclarait que sa situation n’était plus tenable et demandait à être transporté en Espagne. Mendoza (le Capitaine du fort de la Goulette), de son côté, priait qu’on lui confiât des navires et 1,500 hommes avec lesquels il se faisait fort de se rendre maître de Mahdia.
Il confirmait que la position de Moulay Hassan était impossible à Tunis.

En 1537, la ville de Kairouan vit surgir un fanatique du nom de Sidi Arfa chef de la confrérie "Chabbia", dont les prétentions à la souveraineté furent bientôt appuyées par un parti considérable. Son objectif n'était pas seulement de combattre "le traître" mais de le détrôner, de mettre fin par conséquent à la dynastie hafside mais aussi de chasser les Espagnols et les Turco-ottomans.
Moulay Hassan recourut encore une fois à l'appui de Charles V; et, le vice-roi de Sicile, sur l'injonction de l'empereur, envoya des hommes et des vaisseaux contre Soussa, pour la réduire à l'obéissance. Avec ce renfort, le roi Hafside marcha par terre pour seconder le débarquement. Mais cette double opération se termina par un pitoyable échec.

Deux ans après cette expédition malheureuse, et en 1539, André Doria s'en vengea avec éclat. Kélibia, Soussa, Monastir et Sfax, même, furent replacés sous l'autorité de Moulay Hassan et des gouverneurs hafsides y furent placés. Monastir reçut même en garnison un régiment espagnol.

Kairouan restait en état de révolte et Moulay Hassan brûlait de se venger des humiliations éprouvées par lui sous ses murs. Vers 1540, il emmena la garnison espagnole de Monastir et, l’ayant adjointe à ses contingents, vint prendre position à Batn-el-Karn, non loin de la ville sainte d’Okba. Il y était à peine installé que les gens de Kairouan, qui avaient déjà travaillé ses adhérents, opérèrent une grande sortie pendant la nuit et surprirent son camp. Abandonné par les Arabes, Moulay Hassan dut s’ouvrir un passage à la pointe de son épée et, grâce au courage des soldats espagnols, parvint à rentrer à Tunis, en laissant tous ses bagages aux mains des rebelles.

Monastir, Soussa, Sfax et Kelibia se lancèrent de nouveau dans la révolte et acceptèrent la protection du corsaire Dargouth Pacha (Dragut-Pacha) qui avait pour quartier général El Mahdia et dont l’audace et les succès portaient sa renommée jusque sous les murs de Tunis et rendaient de plus en plus illusoire l’autorité de Moulay Hassan.
L'année suivante, Doria reparut devant Monastir et réduisit cette place. Soussa chassa les Turcs et se replaça sous l'autorité de Moulay Hassan.

En 1542, Moulay Hassan, reconnaissant tout ce que sa situation avait de périlleux et de précaire, résolut d'aller en personne solliciter, une fois de plus, le secours des chrétiens. Il décida à se transporter en Italie, pour, de là, porter ses doléances à l’empereur, alors à Augsbourg ; mais, comme il n’avait confiance en personne parmi ses coreligionnaires, il déposa, en partant, son trésor et ses pierreries à la Goulette et les confia au gouverneur espagnol, Don Francisco de Tavar ; de plus, il chargea un navire de marchandises de toutes sortes qu’il devait vendre en Italie.

Le parti était grave, car il s'agissait de quitter ses états, dans un moment où son autorité était menacée par les factions. Toutefois, il n'hésita pas, et laissa aux mains de son fils Moulay Hamed, la direction des affaires.
Mais, à peine était-il arrivé en Europe, d’où, sans perdre de temps, il avait déjà envoyé des armes et des munitions, qu’il reçut du commandant de la Goulette les nouvelles les plus alarmantes : son fils Hamed Soltan, aidé par le cheikh de Bab el-Djazira, Omar el-Djebali, s’était emparé de l’autorité et s’est fait proclamé roi à sa place et que son entreprise avait réussi, malgré la vive opposition de la garnison de la Goulette, commandée par don Francisco de Tobar.

Aussitôt, Moulay Hassan pressa ses enrôlements et ne tarda pas à revenir à la tête d’environ 2,000 aventuriers recrutés dans le midi de l’Italie, et commandés par le Napolitain Lofredo. Mais son fils s’était préparé à la résistance ; grâce à la surexcitation du fanatisme irrité des complaisances du sultan pour les chrétiens et de la subordination qu’il avait acceptée, il avait réuni des forces considérables qui avaient pris position en avant de la ville, entre Kherbet el-Kelekh et Sanïat-el-Annab.

Aussitôt, Moulay Hassan retourna à Tunis, pour disputer le pouvoir à son fils. A son arrivée, le gouverneur de la Goulette, appréciant mieux que lui toutes les difficultés de l’entreprise, lui conseilla de ne point tenter la fortune avec des troupes indisciplinées et sur la fidélité des quelles il ne devait point compter. Ce conseil, dicté par la prudence, ne fut point écouté.

Moulay Hassan s’avança bravement contre l’ennemi ; mais ses soldats ne tinrent pas et se trouvèrent bientôt en déroute : 500 d’entre eux furent recueillis par les Espagnols de la Goulette et tous les autres, y compris leur chef Lofredo, périrent par le fer des musulmans.
Quant à Moulay Hassan, il tomba, en fuyant, dans un bourbier d’où on le retira non sans peine. Revêtu d’un burnous qui cachait la fange dont il était couvert, il fut conduit devant son fils.

Après l’avoir accablé de reproches, Hamed Soltan consulta ses amis sur le traitement qui devait lui être infligé et le résultat fut de le mettre en demeure de choisir entre la réclusion perpétuelle ou la perte de la vue. Le malheureux prince ayant opté pour ce dernier parti eut les yeux crevés par l’ordre de son fils, qui lui laissa alors une certaine liberté, le sachant tellement déconsidéré qu’il n’était plus dangereux. Plus tard, le vieux roi parvint à s’échapper et chercha un refuge chez les chrétiens. Il accusa ensuite don F. de Tavar de lui avoir pris toutes ses richesses, ainsi qu’il résulte d’une curieuse déclaration conservée aux archives de Simancas.

A la nouvelle de ces événements, 1500 hommes, tirés de l'armée de Naples et conduits par don Alonzo de Bivas, arrivèrent à la Goulette, pour aider le gouverneur de cette place à renverser l'usurpateur. Ils ne tardèrent pas, en effet, le chasser du trône et à le remplacer par son oncle, Moulay Abd el-Malek, homme digne de tous les respects. Par malheur, ce prince mourut trente-six jours après son élévation et l'on dut procéder à un nouveau choix. On lui donna pour successeur son fils, Moulay Mohamed.

Moulay Hamed ne resta point inactif pendant ces temps de troubles. La guerre civile qui déchirait le pays servait merveilleusement son ambition, et il la mit à profit pour se former un parti puissant, à l'aide duquel il fut assez heureux pour s'emparer de Monastir avec le concours de Dargouth. Enhardi par ce premier succès, il se porta aussitôt sur Tunis, d'ou le jeune Moulay Mohamed, surpris par cette marche rapide, s'enfuit à la Goulette, chercher un refuge auprès des Espagnols, abandonnant le pouvoir son cousin.

Dragut, (Darghout) le corsaire, profita, à son tour, de ces révolutions pour faire rentrer dans son obéissance les villes que Doria lui avait enlevées, en 1540. Il fût de Mahdia ou Africa le centre de ses opérations, et étendit son autorité sur l'île de Djerba.

A suivre ...

4 commentaires:

MALI a dit…

Ce Darghouth, corsaire, m'interesse car il serait d'après ma grand mère et ma mère un de mes ailleux (ma grand mère s'appelait Darghouth)
Ce Dragut semble avoir des origines carpates. Qu'en est il?
Merci à toi.
MALI

Téméraire a dit…

Oui, il parait que tous les Dargouth sont originaires de ce Pirate, y inclus ton aïeul :), bon et toi-même :).

D'après ce que je sais il est d'origine turque. il fut capturé par les Génois et échangé contre notre Tabarka : http://tunisiecoloniale.blogspot.com/2007/01/16-prise-de-lile-de-tabarka-par-le-bey.html

MALI a dit…

On a envie d'associer Dragut à dragon ou à Dragula. Cette association est elle plausible ?
Si vraiment ce Darghouth est un de mes ancètres alors j'en suis pas fier. J'aurai préféré qu'il soit écrivain, physicien, médecin ou humaniste. Mais "on ne choisit pas ses parents on ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas non plus les trottoirs de Manille de Paris ou d'Alger, pour apprendre à marcher"
Bien à toi.
MALI

Téméraire a dit…

Cette association est possible, tous les deux sont sanguinaires :).

Qui te dit que ce Dargouth n'était pas poète comme nos bédouins qui notent leurs poésies uniquement dans leurs têtes.

Il faut l'imaginer composant ses vers dans sa cabine à la poupe de sa frégate en contemplant un coucher de soleil après une fructueuse saisie :)