mercredi 7 février 2007

34- Chronolgie des événements de la signature du Protectorat Français (9ème Partie)

Dans la région nord, les opérations n'avaient pas pu être conduites avec autant de célérité. Des pluies torrentielles avaient retardé la marche en avant des colonnes de la division Delebecque. La mer était également très mauvaise, et le capitaine de vaisseau Lacombe avait dû ajourner l'occupation de Tabarka, bien que cette mesure eût été décidée dès le 19 avril à la suite do la fusillade dirigée contre l'équipage de la canonnière "l'Hyène".

Le 24 avril au matin, l'escadrille française était en vue de l'île et prête à commencer le bombardement du fort Djédid situé sur une colline en face de 1'île. Un vent violent de nord-nord-ouest rendit impraticable l'abord des plages de l'île et de la côte. On ne pouvait songer à faire accoster les chalands et à débarquer les 3,000 hommes de troupes de toutes armes que portaient "le Tourville", "la Surveillante" et "la Corrèze".

Les équipages étaient d'autant plus mécontents de ces retards qu'ils pouvaient voir un grand nombre de Kroumirs allant et venant en compagnie de soldats tunisiens, sur les plates-formes du fortin de l'île et sur celles du Bordj-Djedid.

Le 25 Avril, la mer continua d'être mauvaise; mais, les lames étant moins fortes, le commandant de "la Surveillante" fit tirer quelques volées de coups de canon sur le fort de l'île qui fut immédiatement abandonné par les soldats tunisiens et les Kroumirs et occupé par 1,300 hommes placés sous le commandement du colonel Delpech.

Le 26 Avril, nos troupes débarquèrent sur la plage à l'embouchure de l'oued-Kebir ou Tabarka et prirent le fort de Djédid à revers par les collines de gauche, les falaises qui bordent le fort il l'ouest étant abruptes et inabordables. Tout le corps d'occupation fut mis à terre avec l'artillerie de montagne et de position, sans opposition de la part des Arabes tenus à distance par le feu de la frégate et des canonnières. Les Kroumirs qui étaient dispersés dans les douars environnants ne tirèrent sur nos troupes que lorsqu'elles vinrent occuper le fort Djédid et furent placées hors de la protection de notre feu d'artillerie. Nos soldats répondirent en incendiant les gourbis situés sur la côte.

Le lendemain 27 Avril, on continua le débarquement des vivres et des munitions qui put s'achever sans incident malgré l'état défavorable de la mer.
L'ile de Tabarka est située à peu prés de 10 kilomètres du cap Roux, frontière de la Tunisie et de l'Algérie. La côte est sur ces rivages très haute, très escarpée et formée de falaises que ronge la mer.
Le promontoire montagneux qui forme le cap de Tabarka a le même aspect et présente une masse de roches noires qui s'avance assez loin dans les flots. A son pied même est une ligne de rochers peu élevés qui vont au large jusqu'à une encablure. La côte redescend vers le sud-est et forme autour de l'île une sorte de grande baie peu profonde.

L'île, dont la superficie est de 40 hectares environ, est un rocher stérile peu accessible du côté du nord et couvert dans les autres parties de ruines d'anciennes murailles décorées du nom de château. Elle forme avec la côte deux baies, l'une à l'est, l'autre à l'ouest. Cette dernière, mieux abritée, est fréquentée par quelques caboteurs. Une ligne de rochers élevés de quelques pieds au-dessus de l'eau et qui se prolongent à l'ouest vers la terre ferme sert d'abri à cette baie contre les vents du nord, selon l'avis de certains marins.

Nous étions venus pour voir une ville ou tout au moins un village, et nous nous mîmes à chercher avec inquiétude quand nous fûmes en face de l'îlot. Rien sur l'îlot lui-même, rien sur la plage du petit port situé entre lui et la terre ferme, rien à droite que la plaine, rien à gauche qu'un dernier éperon, de montagne que couronnait le fort de Bordj-Djédid et sur les flancs duquel on entrevoyait, dans des bosquets de figuiers qui masquaient leur misère de leur opulent feuillage, une dizaine de monuments en ruine …

Le colonel Delpech, commandant de la garnison de Tabarka, 1'état-major et les divers services sont logés dans le fort de Bordj-Djédid. Bordj-Djédid, c'est-à-dire le fort neuf, est une grande masse carrée, avec quatre tours aux angles. On dit que, vu de la mer; il a une très fière mine.
De prés, il paraît beaucoup moins redoutable ; les créneaux en ont été ruinés par le bombardement du 26 avril et on s'occupe actuellement de les réparer. Des pièces d'artillerie gisent ça et là, et elles inspirent une véritable commisération pour les malheureux dont elles étaient l’unique défense. La rouille les a rongées à moitié et les affûts sont hors de service. Aussi les Tunisiens n'y touchaient-ils qu'avec prudence et n'ont-ils pas même essayé de riposter à notre canonnade. II y en avait en tout 26. Les casemates sont également fort délabrées et les officiers s'y trouvent fort mal; on voit bien qu'ils n'ont pas passé cinq semaines sous la tente.

Par l'occupation de Tabarka et du Kef le premier but de la campagne était atteint. Les tribus tunisiennes du sud de la Medjerda étaient contraintes de rester dans leurs cantonnements et de veiller à leur propre territoire. Les Kroumirs menacés de front et sur leurs flancs étaient dans la nécessité de se diviser, les uns comme les Ouled-Cedra, les Bechenias et les Ouled-Amor, pour défendre les passages du Djebel-Addeda sur la frontière, les tribus du littoral et du nord-est pour nous empêcher de les prendre à revers ou d'aller porter la guerre dans leurs cantons de l'oued-Zane et de l'oued-Tabarka.
Les trois colonnes de la division Delebecque pouvaient aborder sans crainte les hautes barrières montagneuses du Djebel-Addeda, l'ennemi n'était plus en force pour défendre sérieusement les défilés contre nos bataillons de zouaves et de chasseurs et notre artillerie.

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