lundi 19 février 2007

38- Chronolgie des événements de la signature du Protectorat Français (13ème Partie)

Le général Logerot refusa donc les offres de service du général tunisien, et lui déclara qu'il ne lui demandait qu'une chose, à savoir de s'éloigner au plus vite et d'aller porter son camp loin de Béja, du côté de Tunis, vers Medjez-el-Bab ou Teboursouk.
Le frère du bey quitta le camp la tête fort basse. Le lendemain 1er mai il partait avec ses troupes dans la direction de Tunis et allait camper à la station de l'Oued-Zerga.
Le même jour, le général de Brem, dont la brigade était à l'Oued Meliz, recevait la soumission de plusieurs cheiks de la tribu des Ouchtetas.
Le général, en accordant l'aman, leur imposa pour condition de livrer leurs armes et de conduire au camp les déserteurs algériens qui s'étaient réfugiés parmi eux. La veille, le général avait fait arrêter deux indigènes qui avaient tiré sur nos soldats et qui portaient sur eux un véritable arsenal.

Pendant que les Ouchtetas demandaient l'aman, on apprenait qu'un certain nombre de soldats tunisiens avaient quitté Ali-bey, lors de son départ dans la direction de Tunis, et s'étaient rendus dans les montagnes pour rejoindre les Kroumirs.

Avant de poursuivre sa marche vers le nord, le général Logerot résolut de s'éclairer sur les sentiments des tribus dont il devait traverser les territoires.
Le 30 au matin, une reconnaissance commandée par le colonel Hervé et formée de deux bataillons de zouaves partait dans la direction de Ben-Béchir pour explorer le pays et engager les Ouled-Bou-Salem et les Chihias à accueillir pacifiquement les troupes françaises et à ne pas quitter leurs cantonnements.

La colonne quitta le camp de Souk-el-Arbaa, le 30, à cinq heures du matin. Le colonel du 1er zouaves
était accompagné du capitaine Heymann, officier du bureau arabe chargé d'entrer en relations avec les indigènes. Arrivé à la gare de Ben-Béchir, le colonel entendit quelques coups de feu et remarqua une grande agitation dans les douars voisins. Le capitaine Heymann s’avança un drapeau à la main avec deux spahis.
Il avait fait à peine une cinquantaine de pas qu'il fut accueilli par une assez vive fusillade partie d'un bouquet de bois situé sur la colline.
Au même moment, on voyait les Chihias descendre de leurs montagnes. Devant ces intentions hostiles le colonel prit immédiatement ses dispositions de combat et envoya une estafette au camp pour avertir le général.

Il était huit heures du matin. Après avoir tourné un ravin où s'étaient embusqués environ deux cents
Chihias, le colonel Hervé aperçut sur les crêtes qui couronnent le passage un gros rassemblement d'Arabes. Il continua son mouvement en avant et commanda des feux de salve après avoir choisi une position d'attente jusqu'à l'arrivée des renforts qu'il, avait demandés.

Au reçu de la dépêche du colonel Hervé, le général Logerot fit porter les goums et le 2éme escadron du 3éme chasseurs d’Afrique sur Ben-Béchir. Il prescrivait en même temps au 11éme hussards de monter à cheval pour rejoindre les deux bataillons de zouaves, et il fit embarquer le 2éme régiment de tirailleurs algériens sur un train qui partit pour la station de Ben-Béchir.

Afin d'appuyer ces troupes, un bataillon du 4éme zouaves, une batterie de montagne de 80 et un escadron du 3éme chasseurs d'Afrique reçurent l'ordre de se mettre en marche.

Le 11éme hussards et le 2éme tirailleurs arrivèrent à peu près en même temps à la gare de Ben-Béchir, vers onze heures. Les goums qui les y avaient précédés se portèrent sur la droite. Une distance de 6 kilomètres séparait la gare de la position occupée par le colonel Hervé qui avait à ce moment environ 3,000 Chihias devant lui et sur son flanc droit.
Le 11éme hussards se dirigea rapidement vers cette position. A onze heures trois quarts, il débordait le flanc gauche de l'ennemi et, avec l'aide des goums, le forçait à battre en retraite. Les tirailleurs algériens furent lancés en avant avec les zouaves pendant que l'artillerie battait de son feu le sommet.
Le douar près duquel avait commencé l'affaire fut incendié. En moins d'une heure les Chihias étaient dispersés et fuyaient sur les crêtes non sans avoir subi des pertes. Au milieu d'eux on avait pu remarquer un officier tunisien, à cheval et en uniforme, qui fut atteint par les balles de nos tirailleurs.

A une heure de l'après-midi, l'engagement semblait terminé. Les contingents des Chihias et ceux des Amedoun qui étaient avec eux se retiraient poursuivis par le 11éme hussards, les zouaves et les tirailleurs.
A trois heures le colonel du 11éme hussards donna l'ordre de cesser la poursuite en laissant le 1er tirailleurs protéger le mouvement du 11éme hussards.
Les indigènes exécutèrent alors un retour offensif que la batterie de montagne mise en position ne tarda pas à arrêter, bien que les indigènes fussent à près de 4,000 mètres de son feu. Le bataillon du 4éme zouaves et les chasseurs d'Afrique escortaient la batterie et étaient restés en réserve.
A six heures, les troupes quittaient leurs positions pour regagner le camp de, Souk-el-Arba. Deux trains furent organisés à la station de Ben-Béchir pour ramener le 1er zouaves et le 2éme tirailleurs pendant que le 11éme hussards, la batterie d'artillerie, le bataillon du zouaves, les chasseurs d'Afrique et les goums suivaient la voie de terre.
Nos troupes ramenaient une dizaine de prisonniers et 1,500 têtes de bétail avec des chevaux, des mulets et des armes. Le rapport officiel évalue à 150 hommes tués environ le chiffre des pertes infligées à l'ennemi. Nous n'avions eu que trois blessés, deux zouaves et un goumier. Un des prisonniers avait été arrêté au moment où il se présentait devant la ligne des tirailleurs algériens qu'il cherchait à entraîner à la désertion.

Deux femmes arabes faisant le coup de feu et portant de la poudre avaient été tuées pendant le combat. Un peloton du 11éme hussards s'était particulièrement distingué. Nos Arabes algériens, qui avaient plié un instant, avaient été vigoureusement ramenés au feu par leur commandant en second, Chérif, fils du Caïd d'Ain-Beida et ancien élève de Saint-Cyr.

Les Chihias, furieux de l'incendie de leurs douars et des pertes qu'ils avaient subies, envoyèrent immédiatement des émissaires pour demander du secours aux tribus de la Rekba.
Ali-bey reçut également la nouvelle du combat dès le lendemain, et il adressa au gouvernement du bey à Tunis une dépêche à sensation. Cette dépêche, qui fut rédigée, dit-on, par un agent italien attaché en qualité de secrétaire à Ali-bey, était ainsi conçue :

« Le chaouch Chaabat et les cavaliers chargés d'assurer la sûreté des stations de chemin de fer sont arrivés au camp ce soir.

Le chaouch m'a raconté que, ce matin, une colonne française est arrivée d'Algérie et que le général commandant la colonne de Souk-el-Arbaa a envoyé hier aux tribus Djendouba, Ouled-ben-Salem et Chihias des troupes pour réquisitionner dans chacune de ces tribus 300 chevaux pour les spahis et 2,000 mulets.
Les Ouled-bou-Salem et les Djendouba ont exposé au général que leur misère ne leur permettait pas de répondre à, son appel. Quant aux Chihias, ils ont formellement refusé.

Par suite de ce refus, un fort détachement de troupes françaises s'est rendu ce matin chez les Chihias et les a attaqués. Les Chihias se sont défendus ; les Français ont incendié leurs douars, tuant hommes et femmes; les blessés étaient conduits auprès du général qui, au fur et à mesure, leur faisait couper le cou.
Les femmes n'étaient pas épargnées : on ouvrait le ventre à celles qui étaient enceintes et on en arrachait l'enfant, qu'on laissait étendu à côté.

Le chaouch a rapporté qu'il a vu un douar incendié dans lequel étaient étendues deux femmes enceintes tuées, éventrées, et leurs enfants à, terre à côté d'elles. Le chaouch a du prendre un autre chemin pour s'épargner la vue de tant d'horreurs rencontrées sur son passage ».

Le général Logerot protesta immédiatement contre ce récit par une dépêche adressée à notre chargé d'affaires à Tunis et dont voici la substance :

« Le récit des atrocités attribuées par Ali à mes soldats est faux.
Jamais il ne viendra à l’esprit d'un officier de donner l'ordre à ses soldats d'achever les blessés ; et moi, officier général, je proteste avec énergie et indignation contre l'accusation portée par le prince tunisien ».

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