37- Chronolgie des événements de la signature du Protectorat Français (12ème Partie)
Le plan de campagne s'accomplissait sinon aussi rapidement, du moins aussi heureusement que possible.
Comme nous l'avons dit plus haut, l'opinion, en poussant le gouvernement à l'expédition de Tunisie n'avait point rêvé conquêtes, ni faits d'armes extraordinaires.
Mettre fin aux incursions des tribus frontières, garantir la sécurité de notre colonie et rétablir notre autorité morale ébranlée' dans 1'Afrique musulmane, telle était l'œuvre éminemment pacifique et pratique dont nos troupes étaient chargées. Cette œuvre pouvait et devait être accomplie en versant le moins de sang français possible.
Pour cela il fallait non seulement aller prudemment, c'est-à-dire éviter toute surprise, mais encore frapper l'esprit de l'ennemi par des déploiements de forces qui lui enlevassent toute idée de résistance. On a plaisanté sur l'aimée française passant un mois la recherche de quelques Kroumirs. On n'aurait pas trouvé d'expressions assez violentes et de blâmes assez sévères, si, faute d'être en nombre ou de marcher carte en main, nos soldats avaient éprouvé un désastre comme ceux qui ont décime l'armée anglaise dans l’Afghanistan et au Zoulouland.
La mission de la colonne Logerot en allant au Kef avait été de forcer les tribus du sud à la paix. La prise de la cité sainte eut en effet ce résultat précieux que notre frontière fut mise de ce côté à l'abri de tout soulèvement, de Soukarrhas à Tebessa.
Le lendemain même de la reddition du Kef et les jours suivants, les cheiks des tribus environnantes vinrent apporter des assurances de paix et livrer une partie de leurs armes.
Le général Logerot, rassuré sur ces districts et ayant laissé au Kef une garnison suffisante sous les ordres du colonel de Coulanges, prit, le 27, la direction du Nord et marcha vers la Medjerda en passant par la petite ville de Nebeur. Le temps était beau, la colonne traversait des terrains de parcours, d'un accès relativement facile à l'artillerie, ça et là des bouquets de bois, des champs d'orge, puis des landes ravinées. La campagne était d'ailleurs complètement déserte.
A Nebeur, gros bourg assez riche, nos troupes furent bien accueillies. Le cheik et les notables allèrent au-devant de la colonne qui put se procurer tous les vivres qu'elle désirait.
Ali-bey, qui campait non loin de là, près du chemin de fer, avait essayé d'indisposer ces populations contre nous ; mais Nebeur, comme le Kef, est en relations suivies avec Soukarrhas, et les habitants, commerçants ou agriculteurs pour la plupart, savaient il quoi s'en tenir sur le compte des Français et sur les prétendus actes de pillage et de vengeance auxquels nos troupes devaient se livrer.
La colonne, en quittant Nebeur, ne tarda pas à se rapprocher de l'oued-Mellégue et entra dans une riche plaine à l'extrémité de laquelle elle aperçut les montagnes du pays des Kroumirs et en avant la Medjerda et la ligne du chemin de fer. Les troupes campèrent à Bahiret-el-Moor, au bord du Mellégue, et le lendemain, franchissant cette rivière, allèrent s'établir à la station de Souk-el-Arbaa, entre le chemin de fer et la Medjerda.
Pendant ces deux journées, la brigade du général de Brem avait quitté Sidi-el-Hamessi, franchi la frontière, suivi la Medjerda et occupé successivement les gares de Ghardirnaou et de l'Oued-Meliz afin d'assurer les approvisionnements de la colonne Logerot à laquelle elle donnait désormais la main par la vallée et le chemin de fer.
Après quelques hésitations, les Arabes des douars environnants ne tardèrent pas à entrer en relations avec la colonne française, et un grand nombre d'indigènes vinrent au camp apporter des provisions de toute espèce. L'état-major s'établit dans les bâtiments de la gare où le général Logerot reçut bientôt la visite d'un officier tunisien annonçant que le Général Ali-bey viendrait dans la journée au camp français.
Le général Logerot ne voulut pas recevoir l'aide de camp, mais il se rendit lui-même à Ben-Béchir où étaient les troupes tunisiennes. Ali-bey fit à son tour quelques difficultés pour recevoir le Général français, représentant qu'il était le frère du bey et que les Français avaient commencé les hostilités contre les Tunisiens.
Le général Logerot revint alors sur l'heure à Souk-el-Arbaa et fit signifier à Ali qu'il l'attendrait le lendemain à deux heures au camp français.
Le 29 Avril, à midi, Ali-bey arriva à Souk-el-Arbaa dans un magnifique carrosse attelé de cinq mules richement harnachées, accompagné de domestiques chamarrés d'or et dont l'habillement luxueux ne mettait que mieux en relief les haillons et les guenilles dont étaient couverts les malheureux cavaliers de l'escorte tunisienne.
Ali-bey est un homme de quarante-cinq ans, gros et grand, portant la barbe longue. La figure est d'un type arabe très accentué.
Le frère du bey était habillé en civil, costume gris et fez rouge. Ali-bey déclara au général que le gouvernement tunisien ne voulait mettre aucun obstacle aux opérations des troupes françaises, que lui et ses soldats s'étaient efforcés de calmer l'agitation des tribus de la vallée et qu'ils étaient prêts à donner leur concours au général Logerot.
Malheureusement pour Ali-bey toutes ces protestations d'amitié et ces assurances de paix étaient en contradiction avec les nouvelles recueillies par 1'état-major français sur sa conduite et sur celle de ses soldats. Le général Logerot savait de bonne source qu'Ali-bey n'avait pris aucune mesure pour empêcher la lutte des Kroumirs contre les colonnes Vincendon et Galland dans la journée du 26.
Le même Ali-bey avait poussé les Ouchtetas et les Chihias à barrer la route au général de Brem, et les conseils de résistance qui avaient prévalu au Kef dans les journées du 24 et du 25 étaient venus de son camp, qui était une officine de fausses nouvelles et de propagande antifrançaise.
3 commentaires:
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