mercredi 10 janvier 2007

20- Histoire de La Petite Sicile de Tunis

En 1865, la famille Fasciotti reçoit du Bey, un terrain à titre privé et gracieux, à charge pour elle de combler les marécages et de gérer l'écoulement des eaux usées. Ce terrain forme un quadrilatère limité par les avenues de la Marine, de Carthage, de la rue des Flandres et celles des Maréchaux.
Madame Fasciotti est issue d'une ancienne famille génoise de Tunisie, les Gnecco, née à Gènes, le 7 janvier 1829, elle épouse le 15 avril 1845 Eugène Fasciotti, ancien préfet de Naples et sénateur à Rome.

A partir de 1865, Carlotta Fasciotti achète de pleines charrettes de gravats afin de combler son terrain. Peu à peu, un vaste domaine de prés de 13 hectares est en partie gagné sur le lac. Madame Fasciotti, puis, ses enfants ont géré ce bien immobilier jusqu'en 1951.
Le rôle de cette famille dans la conquête de nouveaux espaces est donc central, car il permet de répondre à l'absence de terrains constructibles, les autres étant figés par leur statut de biens habous.

Cette propriété dénommée " carlotta Fasciotti-Gnecco ", a été immatriculée le 17 février 1897, lors de l'inscription, il est indiqué sur le titre, que de nombreuses constructions et des rues privées sont présentes sur le terrain. La propriété est également bordée de treize propriétés.
Dans l'attente d'éventuels acquéreurs, Carlotta Fasciotti autorise la construction de petites maisons sur son domaine, en échange d'un loyer modique. Ces logements ne doivent pas posséder d'étage et doivent être détruits après l'expiration du bail.

Ainsi, des centaines de maisonnettes d'une pièce ou deux recouvrent la partie basse de l'avenue de la Marine entre 1865 et 1900, par suite, l'installation du port dans cette partie de la ville accentue ce phénomène d'occupation du sol.

Des centaines d'ouvriers principalement siciliens s'installent à proximité des entrepôts et des ateliers, le quartier prend alors un caractère bien particulier, à tel point qu'on le nomma la encore la Sicile, les enfants vivent dans la rue, parlent l'arabe mais aussi le français.
Tout au long de la ville est proche d'une urbanisation non maîtrisée. Voire spontanée.
Les maisonnettes construites par les ouvriers, les dockers sont des maisons de fortune, les matériaux et les techniques de construction sont rudimentaires.

De plus la municipalité n'engage que progressivement la viabilisation des rues dans la Petite Sicile. Les différents plans de la ville montrent l'avancée progressive de la ville sur le lac (les plans de 1881, 1899, 1904, 1927 et suivants).
La constitution de ce quartier est à la croisée d'initiatives privées et publiques, mais dont l'identité est forgée par le groupe social qui l'anime : les immigrants pauvres du sud de l'Italie, les sardes et les siciliens.

A partir de ce même titre foncier de propriété, on peut comprendre quels ont été les objectifs poursuivis dans la gestion du patrimoine de la famille. La propriété a été immatriculée sous le titre foncier 2929 le 17 février 1897, soit quinze ans après la promulgation de la loi foncière qui permettait ce genre de protection immobilière. Comment expliquer un tel délai. La source permet d'avancer plusieurs éléments de réponse : le décès des époux Fasciotti est sans doute un premier élément. Carlotta Fasciotti-Gnecco décède le 28 janvier 1898 à Hammam-Lif et son époux, le 8 mars 1898 à Rome.

D'autre part, on apprend sur le titre que les Fasciotti ont concédé en 1897 à l'Etat Tunisien 6 parcelles du terrain, en contrepartie d'une viabilisation de certaines portions de la propriété. Dans un délai de six mois précédant cette tractation, l'eau et le gaz devraient être installés. La concession précise que la viabilisation des rues sera financée par la taxe locative au fur et à mesure de la vente des terrains.
Un délai de dix ans est fixé par la municipalité, au-delà duquel la contribution de la mise en viabilité sera exigible sur l'ensemble des terrains, même ceux qui n'auront pas été vendus. Les premières ventes de parcelles, contractées dès le mois de mars 1898, répondent donc à la volonté de ne pas supporter la totalité des frais d'équipement du quartier.

Sans nul doute, l'inauguration du port de Tunis, en 1893 a forcé les propriétaires à se protéger de l'extension des activités industrielles. Enfin, en 1900, l'installation de l'hôtel de la Municipalité, avenue de Carthage, a donné de la valeur aux terrains et a permis de fructueuses transactions. Ce titre est resté entre les mains de la même famille Fasciotti jusqu'en 1951, date à laquelle, il est intégré au capital de la société immobilière " Maroc-Tunisie " dont le siège social est à Casablanca.

Par cet apport, le propriétaire, Carlo Fasciotti, avocat puis diplomate, devient acquéreur de 48 000 actions de 1 000 francs chacune soit 48 000 000 francs. Même si la propriété ne comprend plus, à cette date que 2 hectares, la valeur atteinte est considérable.

Source : Correspondances (Bulletin d’information scientifique) N=° 70-2002 publié par l’IRMC (Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain) - La construction de Tunis « villeeuropéenne » et ses acteurs de 1860 à 1945 par Christophe GIUDICE

5 commentaires:

Monsieur-bien a dit…

Vraiment trés interessant, si tu pouvais citer tes sources je pourrai peut etre lire tout l'ouvrage...Merçi !

Téméraire a dit…

Malheureusement il n y a pas un livre écrit mais j'ai publié tout l'article qui a paru dans la revue suivante : Correspondances n°70 mars-avril-mai-juin 2002, qui est un bulletin d'information scientifique publié par l'IMRC

Téméraire a dit…

http://www.irmcmaghreb.org/documents/Correspondances/correspondances_70.pdf

galite a dit…

Je voulais vous signaler, qu'il est fondamental de citer l'auteur des deux articles, qui est Christphoe GIUDICE, qui par ailleurs a soutenu une thèse sur la ville européenne de Tunis (2006).

Téméraire a dit…

@Galite: vous avez en partie raison parceque j'ai indiqué la source de l'article sans nommer l'auteur (voir le commentaire avant le tien, de toute façon je viens de rectifier le tir.