23- Deux Ambassadeurs Tunisiens à la cour de l'Empereur des Français Napoléon III
En 1853, après maintes démarches insistantes et diverses tractations plus ou moins secrètes effectuées par Ahmed Bey, le nouvel Empereur des Français, Napoléon III, exprima son accord, en vue de recevoir un ambassadeur dépêché par ce Prince Husseinite, avec, pour mission, de lui exprimer les compliments de la Régence de Tunis...
Au bout de plusieurs jours de voyage en Méditerranée, puis à travers la France, la délégation arriva, enfin, à Paris, le samedi 26 février 1853 à 22h.45.
Le Général Réchid et ses compagnons (Rousseau, Clément, le Capitaine Mourad et le Valet de chambre Zarrouk) trouvèrent, à la gare, Jules de Lesseps, l'agent du Bey, à Paris, venu les attendre pour les conduire chez Mahmoud Ben Ayed.
Et ce fut dans la voiture de ce dernier (aussi somptueuse que possible) que l'ambassadeur et sa suite arrivèrent au Palais parisien de celui qu'Alphonse Daudet appellera « Le Nabab ».
Mahmoud Ben Ayed accueillit ses hôtes avec joie, leur souhaita vivement la bienvenue et les conduisit, vu l'heure, aussitôt à table.
Après le dîner, tout le monde gagna la salle de réception richement décorée de consoles, de lustres et de candélabres. Sur les murs de cette salle « digne d'un sultan » selon l'appréciation de Mourad, figuraient, en bonne place, dans des cadres dorés, les portraits d'Ahmed Bey et de Napoléon III.
Cette salle et la chambre à coucher attenante étaient réservées, par Ben Ayed, à l'ambassadeur.
Le médecin Clément, Rousseau et le capitaine Mourad furent logés dans des pièces parfaitement aménagées à l'étage supérieur.
Dans la matinée du dimanche, Réchid remit à Ben Ayed une lettre d'Ahmed Bey et deux lettres de Mustapha Khaznadar son premier ministre. Ensuite, il accorda une audience à Jules de Lesseps et à Charles Lagau, un ancien chargé d'affaires et consul général de France à Tunis ; Lagau, dont la mère était une de Lesseps, était venu en particulier, pour accompagner son cousin. De plus, il était là pour égrener des souvenirs sur la visite, effectuée à Paris sept ans plus tôt par Ahmed Bey et qu'il avait accompagné dans la capitale française en cette occasion mémorable.
Le Général Réchid lui remit, à lui aussi, des messages de Mustapha Khaznadar. A son tour, le Général Esterhazi, qui avait dirigé la mission militaire française dans la Régence, fut reçu par le Général Réchid qui, également, lui remit une lettre du premier ministre et lui transmit les compliments du Bey.
C'est le mercredi 9 mars 1853 qu'eut lieu la visite officielle à l'Empereur.
A 12h.30 arriva le deuxième introducteur des ambassadeurs, Feuillet de Conches. Il était monté dans une voiture de la cour, conduite par un cocher aidé de deux valets de pied et escorté par trois cavaliers de la garde impériale en grand uniforme. Feuillet de Conches déclara, aussitôt, qu'il était chargé par l'Empereur de conduire l'ambassadeur de Tunis et sa suite auprès du Souverain.
A 13 heures, Réchid, Mahmoud Ben Ayed, Feuillet de Conches et Jules de Lesseps prirent place dans la voiture de Mahmoud Ben Ayed. Tout le monde était en grand uniforme.
A l'arrivée, au Palais des Tuileries, la garde présenta les armes. Les membres de la mission furent introduits dans le premier salon où se trouvaient, déjà, plusieurs ministres et hommes d'Etat.
L'arrivée des tunisiens fut aussitôt annoncée à l'Empereur.
Au bout d'un quart d'heure, le premier introducteur des Ambassadeurs vint les appeler. Ils pénétrèrent, alors, dans un grand salon. Là, ils trouvèrent Napoléon III debout en grand uniforme, ainsi que le premier interprète Desgranges et le deuxième introducteur des ambassadeurs, Feuillet de Conches.
Les Tunisiens saluèrent, selon l'usage, puis le Général Réchid s'avança en tenant à la main la lettre d'Ahmed Bey et s'exprima en ces termes :
« Notre seigneur et maître présente ses salutations à sa Majesté l'Empereur, dont l'avènement au trône l'a grandement réjoui ; c'est pour exprimer sa joie qu'il lui adresse cette lettre, le félicitant de son accession à la dignité impériale ».
L'interprète, alors, s'avança, traduisit et ajouta :
« Son Altesse le Pacha de Tunis a déjà un ambassadeur à Paris, le Général Mahmoud Ben Ayed, mais, pour exprimer sa joie insigne, il a tenu à adresser, à votre Majesté, ce message et à le confier à un deuxième envoyé. Son Altesse a chargé ces deux ambassadeurs de présenter ses félicitations à votre Majesté ».
L'Empereur répondit :
«J'ai été, également heureux, d'apprendre l'arrivée de cet ambassadeur, sachant l'estime dont il jouit auprès du Pacha. C'est un des généraux les plus renommés de son entourage et je vois dans cette mission une preuve de l'amitié et des sentiments fraternels et cordiaux qui règnent entre nous, mais nous avons appris avec peine que son Altesse est malade et nous savons qu'elle compte venir à Paris afin de s'y soigner... Nous espérons que ce voyage lui apportera la guérison et que nous pourrons avoir la joie complète de savoir sa santé bien rétablie ».
L'interprète dit alors :
« Nous avons appris, en effet, qu'il compte venir à Paris, mais seulement lorsque la vapeur Mogador » pourra aller le chercher à Tunis ».
Napoléon III sourit, montrant sa satisfaction :
« La chose est facile », dit-il, « le Mogador et d'autres bateaux peuvent être mis à sa disposition. Ce qui nous réjouirait, ce serait de le voir et de fêter son retour à la santé ».
Le Général Réchid présenta, alors, la lettre du Bey et l'empereur s'approcha lui-même pour la prendre. L'introducteur des ambassadeurs la reçut ensuite des mains du Souverain et la déposa sur une table proche.
L'Empereur, s'adressant au Général Mahmoud Ben Ayed lui dit : « J'ai appris que vous avez acheté quelques propriétés à Paris ».
Ben Ayed répondit par l'affirmative.
Napoléon III dit ensuite au Docteur Clément : « Je sais que vous êtes Français et médecin dans l'armée tunisienne ».
Puis il lui demanda son nom et la durée de son séjour en Tunisie.
Clément répondit après s'être présenté qu'il est né en Tunisie de père et mère français et qu'il est médecin du 2ème Régiment de l'Armée Tunisienne à Sousse sous le commandement du Général Réchid.
L'Empereur posa enfin des questions au capitaine Mourad, qui se nomma et indiqua son grade et son titre d'aide de camp.
Avant de laisser sortir la délégation, Napoléon III complimenta le Général Réchid et le chargea de transmettre ses salutations au Bey.
L'entretien dura, exactement, un quart d'heure, un quart d'heure pour lequel Ahmed Bey avait dépensé une somme incalculable d'espoirs et de peines en vue de se voir reconnu comme souverain indépendant du Royaume de Tunis... en vain ! ! !
Source : Mahmoud BOUALI
Au bout de plusieurs jours de voyage en Méditerranée, puis à travers la France, la délégation arriva, enfin, à Paris, le samedi 26 février 1853 à 22h.45.
Le Général Réchid et ses compagnons (Rousseau, Clément, le Capitaine Mourad et le Valet de chambre Zarrouk) trouvèrent, à la gare, Jules de Lesseps, l'agent du Bey, à Paris, venu les attendre pour les conduire chez Mahmoud Ben Ayed.
Et ce fut dans la voiture de ce dernier (aussi somptueuse que possible) que l'ambassadeur et sa suite arrivèrent au Palais parisien de celui qu'Alphonse Daudet appellera « Le Nabab ».
Mahmoud Ben Ayed accueillit ses hôtes avec joie, leur souhaita vivement la bienvenue et les conduisit, vu l'heure, aussitôt à table.
Après le dîner, tout le monde gagna la salle de réception richement décorée de consoles, de lustres et de candélabres. Sur les murs de cette salle « digne d'un sultan » selon l'appréciation de Mourad, figuraient, en bonne place, dans des cadres dorés, les portraits d'Ahmed Bey et de Napoléon III.
Cette salle et la chambre à coucher attenante étaient réservées, par Ben Ayed, à l'ambassadeur.
Le médecin Clément, Rousseau et le capitaine Mourad furent logés dans des pièces parfaitement aménagées à l'étage supérieur.
Dans la matinée du dimanche, Réchid remit à Ben Ayed une lettre d'Ahmed Bey et deux lettres de Mustapha Khaznadar son premier ministre. Ensuite, il accorda une audience à Jules de Lesseps et à Charles Lagau, un ancien chargé d'affaires et consul général de France à Tunis ; Lagau, dont la mère était une de Lesseps, était venu en particulier, pour accompagner son cousin. De plus, il était là pour égrener des souvenirs sur la visite, effectuée à Paris sept ans plus tôt par Ahmed Bey et qu'il avait accompagné dans la capitale française en cette occasion mémorable.
Le Général Réchid lui remit, à lui aussi, des messages de Mustapha Khaznadar. A son tour, le Général Esterhazi, qui avait dirigé la mission militaire française dans la Régence, fut reçu par le Général Réchid qui, également, lui remit une lettre du premier ministre et lui transmit les compliments du Bey.
C'est le mercredi 9 mars 1853 qu'eut lieu la visite officielle à l'Empereur.
A 12h.30 arriva le deuxième introducteur des ambassadeurs, Feuillet de Conches. Il était monté dans une voiture de la cour, conduite par un cocher aidé de deux valets de pied et escorté par trois cavaliers de la garde impériale en grand uniforme. Feuillet de Conches déclara, aussitôt, qu'il était chargé par l'Empereur de conduire l'ambassadeur de Tunis et sa suite auprès du Souverain.
A 13 heures, Réchid, Mahmoud Ben Ayed, Feuillet de Conches et Jules de Lesseps prirent place dans la voiture de Mahmoud Ben Ayed. Tout le monde était en grand uniforme.
A l'arrivée, au Palais des Tuileries, la garde présenta les armes. Les membres de la mission furent introduits dans le premier salon où se trouvaient, déjà, plusieurs ministres et hommes d'Etat.
L'arrivée des tunisiens fut aussitôt annoncée à l'Empereur.
Au bout d'un quart d'heure, le premier introducteur des Ambassadeurs vint les appeler. Ils pénétrèrent, alors, dans un grand salon. Là, ils trouvèrent Napoléon III debout en grand uniforme, ainsi que le premier interprète Desgranges et le deuxième introducteur des ambassadeurs, Feuillet de Conches.
Les Tunisiens saluèrent, selon l'usage, puis le Général Réchid s'avança en tenant à la main la lettre d'Ahmed Bey et s'exprima en ces termes :
« Notre seigneur et maître présente ses salutations à sa Majesté l'Empereur, dont l'avènement au trône l'a grandement réjoui ; c'est pour exprimer sa joie qu'il lui adresse cette lettre, le félicitant de son accession à la dignité impériale ».
L'interprète, alors, s'avança, traduisit et ajouta :
« Son Altesse le Pacha de Tunis a déjà un ambassadeur à Paris, le Général Mahmoud Ben Ayed, mais, pour exprimer sa joie insigne, il a tenu à adresser, à votre Majesté, ce message et à le confier à un deuxième envoyé. Son Altesse a chargé ces deux ambassadeurs de présenter ses félicitations à votre Majesté ».
L'Empereur répondit :
«J'ai été, également heureux, d'apprendre l'arrivée de cet ambassadeur, sachant l'estime dont il jouit auprès du Pacha. C'est un des généraux les plus renommés de son entourage et je vois dans cette mission une preuve de l'amitié et des sentiments fraternels et cordiaux qui règnent entre nous, mais nous avons appris avec peine que son Altesse est malade et nous savons qu'elle compte venir à Paris afin de s'y soigner... Nous espérons que ce voyage lui apportera la guérison et que nous pourrons avoir la joie complète de savoir sa santé bien rétablie ».
L'interprète dit alors :
« Nous avons appris, en effet, qu'il compte venir à Paris, mais seulement lorsque la vapeur Mogador » pourra aller le chercher à Tunis ».
Napoléon III sourit, montrant sa satisfaction :
« La chose est facile », dit-il, « le Mogador et d'autres bateaux peuvent être mis à sa disposition. Ce qui nous réjouirait, ce serait de le voir et de fêter son retour à la santé ».
Le Général Réchid présenta, alors, la lettre du Bey et l'empereur s'approcha lui-même pour la prendre. L'introducteur des ambassadeurs la reçut ensuite des mains du Souverain et la déposa sur une table proche.
L'Empereur, s'adressant au Général Mahmoud Ben Ayed lui dit : « J'ai appris que vous avez acheté quelques propriétés à Paris ».
Ben Ayed répondit par l'affirmative.
Napoléon III dit ensuite au Docteur Clément : « Je sais que vous êtes Français et médecin dans l'armée tunisienne ».
Puis il lui demanda son nom et la durée de son séjour en Tunisie.
Clément répondit après s'être présenté qu'il est né en Tunisie de père et mère français et qu'il est médecin du 2ème Régiment de l'Armée Tunisienne à Sousse sous le commandement du Général Réchid.
L'Empereur posa enfin des questions au capitaine Mourad, qui se nomma et indiqua son grade et son titre d'aide de camp.
Avant de laisser sortir la délégation, Napoléon III complimenta le Général Réchid et le chargea de transmettre ses salutations au Bey.
L'entretien dura, exactement, un quart d'heure, un quart d'heure pour lequel Ahmed Bey avait dépensé une somme incalculable d'espoirs et de peines en vue de se voir reconnu comme souverain indépendant du Royaume de Tunis... en vain ! ! !
Source : Mahmoud BOUALI
1 commentaire:
mon ami,
grace à tes recits je me délecte, m'instruit et voyage!
merci
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