05- La dernière décapitation en Tunisie : le Bourreau exécuté
C’est l’histoire d’Abdalla ben Dyillali, un riche tunisois vivant des revenus de ses terres, qui tomba amoureux de Turinette, une française épouse de M. Vigneron, fonctionnaire civil du bey ; elle était considérée à l’époque comme la plus belle femme de la colonie étrangère.
A force de la courtiser et en raison de sa découverte d’une relation extraconjugale de son mari avec la femme de son collègue, elle finit par céder aux avances d’Abdalla ben Dyillali.
Ce dernier répudia ces 3 femmes, et ouvrit même sont petit palais aux grés de Turinette.
Il vendit la plupart de ces biens afin de satisfaire les exigences de son amante.
Ayant tout perdu, et en besoin d’argent ; dans un moment de folie il tua un usurier juif (a qui il a vendu tous ces biens) afin de le voler.
Jugé coupable, il a été condamné à mort par décapitation et remis au bourreau de la Goulette pour exécution.
Le bourreau de La Goulette était payé à la pièce : il touchait 25 piastres par tête coupée. Evidemment c'était peu ; une tête d'homme vaut plus que ça, le bourreau l'estimait au double, et on ne saurait pour cela le taxer d'exagération. Seulement, comme le bey, n'accueillait jamais bien les demandes d’augmentation de salaire, l’exécuteur avait trouvé le moyen, grâce à un stratagème de son invention, où le de l’état n'avait rien à voir, de ne travailler qu'a un taux réellement digne de l'ouvrage accompli.
Son système était très simple : il consistait en un pourboire que lui payait la famille du condamné.
Un peu avant l'heure du supplice, il faisait demander à celle-ci dans quels prix elle souhaitait voir exécuter son proche.
Pour vingt-cinq piastres on avait droit à l'exécution rapide ; l'opérateur se trouvait doté instantanément d'une sûreté de main extraordinaire, et, guillotine vivante, il vous séparait la tête du tronc sans la moindre douleur pour les deux morceaux.
Mais si, au contraire, les parents lésinaient ou ne donnaient rien, soit par avarice, soit par réelle pauvreté, le lugubre spectacle se changeait en un drame épouvantable : l'arme était mal aiguisée ; elle sciait les chairs qu'elle aurait du trancher, elle tombait un peu partout ; et ce n'était qu'après des tâtonnements sans nombre qu'elle accomplissait, enfin, son rôle vengeur.
Le jour ou Abdalla ben Dyillali, condamné à mort, s'agenouillait sur le lieu habituel du supplice, le bourreau dépêchait un de ses funèbres commissionnaires auprès d'Hassan ben Dyillali, afin de connaître la générosité dont il était disposé à faire preuve.
Or ce messager était juif ; indigné comme tous ses coreligionnaires du crime d’Abdalla, il se garda bien de tenter une démarche ayant pour but d'amoindrir les souffrances du coupable. Il se promena un instant dans les rues de La Goulette, puis il revint, monta auprès du bourreau et lui dit : - Il n'a pas voulu !
Le féroce exécuteur, rendu plus cruel encore par cette déconvenue, se recula un peu et leva son yatagan à deux mains. L'acier raya l'espace, s'abattit et une oreille d'Abdalla tomba sanglante sur le gazon.
Abdalla rejeta brusquement sa tête en arrière, démasquant ainsi son visage qu'il tenait baissé auparavant, un nouveau coup lui enleva le nez.
Soudain, une scène horrible se passa. Ce fut quelque chose d'épouvantable qu'on n'oserait pas imaginer. Abdalla hors de lui, fou d'épouvante, s'était précipité au bas de la butte, et une véritable chasse à l'homme se passait dans le terrain compris entre le lac et le chemin de fer.
Le malheureux mutilé courait en poussant des hurlements déchirants que lui arrachait la souffrance.
Derrière lui, le bourreau le lardait avec son arme, chaque fois qu'il se trouvait à portée. Et la figure de l'inquisiteur était plus repoussante que celle de sa victime, bien que celle-ci fût couverte de sang et de blessures.
Le sol, défoncé ça et là, offrait des crevasses où les pieds d’Abdalla s'embarrassaient. Il ne voyait d'ailleurs déjà plus à se conduire. Il ne fuyait que par instinct. Il avait le front fendu, une large plaie sur le crâne, une joue ouverte et un de ses bras pendait, coupé presque ras de l'épaule.
Il rugissait toujours ; sa voix remplissait La Goulette, ameutait toute la population. Sur l'herbe verte, du sang fumant se répandait, et des gouttelettes se caillaient à la pointe des brindilles.
Prés de la gare, Abdalla s'affaissa ; par deux fois, s'appuyant sur les mains, tendant son cou, au bout duquel se trouvait un moignon informe ; il essaya de se relever. Mais le bourreau arriva sur lui, et, l'écume aux lèvres, ne se possédant plus, s'acharnant comme une bête fauve sur ces chairs pantelantes, il acheva de le décapiter.
Quand, son œuvre terminée, ce sinistre exécuteur voulut se retirer, il se vit enserré par une foule hostile qu'avait exaspérée le supplice d'Abdalla. Au premier rang, Hassan ben Dyillali se débattait, maintenu par un groupe d'amis. Il s'était emparé du yatagan du bourreau et voulait satisfaire sur le champ l'immense besoin de vengeance dont son cœur était assoiffé
Mais une voix s'éleva tout-A-coup, criant : - Au bey ! au bey !
Et la foule répéta en chœur : « Oui, au bey ! au bey ! »
Hassan se mit en tête, et brandissant son arme sanglante, il criait : « Vengeance ! qu'il meure A son tour, comme il a fait mourir »
Le bey prévenu sortit du palais et, sans même vouloir écouter les explications du bourreau qui bégayait : - Qu'on l'emmène, dit-il.
C'était la sentence de mort, légalement prononcée.
Hassan pressa plus fort la poignée de son yatagan.
De nouveau, voici deux hommes sur la butte. L'un est à genoux, en chemise, les mains liés : c'est le bourreau. Il va expier sa cruauté, il va mourir à son tour. L'autre, debout à ses côtés, est Hassan ben Dyillali. Il va venger son frère, et il presse le yatagan tout rouge encore du sang de son pauvre Abdalla.
D'en bas, la foule houleuse, grondante, insulte le nouveau condamné.
Hassan voudrait rendre torture pour torture; il n'ose pas découper en morceaux le misérable, mais il prolonge sa douloureuse agonie. Plusieurs fois il lève son arme comme pour frapper, il voit un tressaillement courir sur le corps du bourreau, et lentement il abaisse le yatagan vers la terre.
Puis il recommence le même manège, touche le cou du patient avec le dos du sabre qui y laisse une ligne rouge, comme point de mire. Les affres de la mort secouent le bourreau tout à l'heure si hautain ; il roule des yeux éperdus ; il bave, râle, ose encore implorer une pitié qu'il sait impossible.
Hassan l'interpelle.
- Fils de chienne, m'entends-tu ! Il ferait bon vivre aujourd'hui ; eh bien ! toi, tu vas mourir. Aimes-tu quelque chose dans ce monde, femme ou enfant, terre ou maison? Songes-y encore un moment, songes-y pour mieux les regretter, car tu vas les perdre ! Tu vas mourir, et nul ne viendra coudre ta tête hideuse ton corps maudit et tous s'éloigneront de toi avec horreur.
Le bourreau pousse des petits gémissements, soudain il s'allonge avec une brusque détente, mort d'effroi déjà.
Alors, Hassan lève son bras, la lame retombe en sifflant, Abdalla est vengé.
Le massacre d’Abdalla eut un retentissement énorme, les consuls européens s'assemblèrent et, au nom de l'humanité, prièrent le bey de donner des ordres pour éviter le retour de pareilles scènes de sauvagerie.
Leur démarche eut un très heureux résultat : le bey prit la meilleure décision, il supprima la mort par décapitation. Depuis lors, et il n'y a pas longtemps, on pend haut et court en Tunisie.
11 commentaires:
Tu ne cites pas tes sources.
Ce nom de famille est inconnu chez les Tunisois.
Conclusion: il s'agit d'une fiction bien lugubre !
Merci pour cet excellent post !
l'arroseur arrosé;)
oui il faut citer les sources mais de toute façon reelle ou fiction c'est une hoistoire interressante!
@Mustapha: Le théme de mon Blog est : Histoires, Récits, Témoignages, ......
Donc, certaines publications sont des récits ou simplement des témoignages.
Malheureusment, cetains documents que je publie ont les 1éres pages perdues ou périmées, donc source incognito.
Je ne suis pas en train de réecrire l'histoire, mais je transmet des informations, même si c'est de la fiction, elle paraissent intéréssantes
La plupart des chroniques ont été écrites par des français. Ils reportent des faits (dont parfois il ne sont pas témoins). Le prblm du nom est que c'est fort possible une déformation du nom de famille original, il y en plusieurs, tunisioise qui se rapprochent (de Dyillali) et je ne me permet pas de les citer ou de faire la comparaison.
Connaissant très bien la Goulette, j'ai essayé d'imaginer où pouvait se dérouler l'histoire...
Merci pour le post.. comme quoi la Goulette n'est pas uniquement reconnue pour ses briks dannouni;-)
Post intéressant,il nous permet comme ton blog de connaître les méandres de notre histoire et enlève une couche d'amnésie.Cela rejoint mon blog.
L'auteur s'est inspiré "des derniers jours du condamné" de victor hugo . Dans les annexes on retrouve des faits d'executions ratées repris par victor hugo dans son combat contre la peine capitale . Il y raconte l'horreur d'une execution raté à la guillotine . Le couperet était tombé 5 fois sans copué la tête de la victime, à chaque fois elle tailladait le cou dont giclait des flots de sang sous les cris de douleur de la victime qui réclamait grâce . La foule s'est mise en colère, le bourreau à sorti la victime avant de s'enfuir . La victime suppliait qu'on le détacha, un des apprentis du bourreau se présenta avec un couteau faisant mine de vouloir le libérer . Au lieu de cela, il lui sauta sur le dos puis se mis à lui trancher la tête avec un couteau de boucher . On apprit plus tard qu' un bourreau mécontent d'avoir été congédié avait saboté la guillotine en désserant les boulons du rail guidant le couperet . Je pense que l'auteur de "La dernière décapitation en tunisie "a voulu adapter le récit d'horreur de cette execution ratée en france en la présentant dans une version mauresque . On y retrouve la vengeance d'un bourreau, l'horreur du supplice , les ratées de l'execution sensée être instantanée, la colère de la foule , le bourreau qui se retrouve tout penaud devant la foule . Je ne pense qu'un bourreau en tunisie pouvait se permettre toutes ses exactions devant la foule et les officiels .
Pas mal l'histoire mais trés cruelle, je crois pas que des sauvagerie pareil é existais en tunisie , l auteur francais ne fait que projetais les sauvageris de l eurrope du moyen age;;;c naif mais c comme ca je l accepte pas tout comme ce francais qui nous a ecris une histoire francaise projeté sur des tunisiens.
Je ne sais pas qui tu es mais je trouve que tu fais une intervention remarquable ci dessus , mettant les choses en clair dune facon assez tactile devant un etat desprit depeint par les commentaires disons a la superficie du sujet.
Cest sur qune histoire prise au premier degres peut faire rire, plaire pour lacidite de ses descriptions mais par respect pour lhistoire et surtout quand des autorites morales sont impliquees on se doit de bien verifier.
Cest donc cette description un peu barbaresque qui se degage de cette fiction qui ma interpelle et non le cote victor Hugo qui lui je le consens merite un coup de chapeau.
J'ai d'ailleurs comme limpression et Roumi pourra vous le confirmer ( :) )que vu la nationalite de l'auteur qu'il ya de l'ironie et une vue colonialiste superieure et reductrice dans cette description.
je découvre avec passion et charme ton blog
Bravo!
Je te propose une collaboration avec notre revue Astrolabe, du CIGV, ce que tu ecris est bien un voyage dans le temps!
Laisses moi un petit signe-réponse sur mes rivages.
@+
Ma plus grande fierté en temps que tunisien est que la peine de mort soit abolie une fois pour toute!
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