jeudi 7 décembre 2006

02- Commando Tunisien contre l’île Saint-Pierre (1798)

En 1787, dans les eaux territoriales de la Corse française et au mépris des traités signés et du droit des gens, une frégate Sarde (sous le règne de Charles-Emmanuel III, Roi de Sardaigne) se permit de considérer un bateau tunisien « de bonne prise », de l'amariner et de le remorquer jusqu'à Cagliari, capitale de la Sardaigne.
Le Bey de Tunis Hamouda Pacha, s'écriait dans un message adressé le 6 avril 1787 au Marquis De Catries, secrétaire d'Etat à la Marine de Louis XVI, « Les Musulmans esclaves dans la ville de Cagliari ».

Et comme la France était concernée, et même responsable selon les accords diplomatiques en vigueur, Hamouda Pacha ajoutait en conclusion : « Nous espérons (qu'à l'arrivée de ces deux pièces), Votre Excellence voudra bien nous faire droit et nous donner de nouvelles marques de l'amitié et de l'estime qu'elle nous porte. Elle peut être persuadée que nos sentiments pour la France sont toujours les mêmes et que nous distinguons cette Cour de toutes les autres qui sont en paix avec nous ; aussi, osons-nous présumer que les liens qui unissent nos sujets respectifs se resserreront de plus en plus et que notre bonne intelligence, loin de s'altérer, prendra de jour en jour plus d'extension...
Au surplus, puissiez-vous vivre éternellement ».

Nous ne savons pas si cette affaire avait pu être réglée. Ce qui est sûr, par contre, c'est la persistance de cet état (Sarde) vivace de belligérance navale.

Cinq ans plus tard, trois galiotes tunisiennes se laissèrent surprendre par des "bâtiments de Sardaigne et de Venise", notait le consul français à Tunis Devoize, lequel réussira à faire rembourser les biens ainsi spoliés, mais les hommes emmenés en esclavage en Sardaigne ne purent en être délivrés, malgré les efforts soutenus des gouvernements successifs de la République Française.

En dépit de la succession de plusieurs rois, le règne Sarde (du point de vue tunisien) fut toujours hostile : les esclaves musulmans ont été maintenus dans leur condition déplorable et injustifiée en dépit de tous les bons offices.

En 1798, exaspérés par l'attitude sarde, désespérant d'arriver à un règlement pacifique sur le sort des captifs tunisiens de la grande île et mettant par leur initiative Hamouda Pacha lui-même devant le fait accompli, des corsaires partis de ce pays (la Tunisie) organisèrent et réussirent un coup de main contre l’île de Saint-Pierre habité par les Tabarquins en rupture d'origine... conquérant du même coup le respect de leurs adversaires et un renouveau dans leur réputation de guerriers redoutables... et d'ultimes atouts pour délivrer leurs camarades au moyen d'échanges réciproques que le refus sarde rendait jusque-là impossibles.

Dans la nuit du 2 septembre 1798, une escadre tunisienne, composée de deux chebeks de 22 et 26 canons (Rais Hassen et Rais M'hamed Roumelli), de deux polacres de 24 et 26 canons (Rais Mohamed Mourali et Rais Moustafa Medemli) et d'une galiote de 4 canons (Rais Memmich Rodosli), transporta en tout 1090 hommes qui débarquèrent dans l'île. Sa défense fut immédiatement anéantie. Les seules maisons respectées furent celles des vice-consuls d'Angleterre et de France, n y eut au total 950 captifs.

Ce commando fit grand bruit en Europe et le gouvernement sarde se trouva, à son tour, acculé à faire des démarches aussi pathétiques que celles qu'accomplissait son partenaire tunisien (depuis six ans) pour délivrer ces captifs. Le Pape Pie VII s'y dépensa dès le 19 octobre 1798 en publiant une bulle pour activer les quêtes... Puis les choses traînèrent en longueur, car le gouvernement sarde, qui signa le 21 juin 1799, au Bardo, un traité pour leur libération, ne tint ses engagements qu'au bout de cinq ans au lieu du délai de soixante jours promis.

Extrait de : Le Temps de la Non-Revolte (1827-1832) ; Mahmoud Bouali

5 commentaires:

psynaj a dit…

très interessant et instructif, et dire qu'il faut payer pour lire de telles choses sur des bouquins
bon blog!

Anonyme a dit…

Merci pour cet article!

Ça ferait un malheur dans les livres d'histoire et ça redonnerait un peu de fierté aux Tunisiens.

Anonyme a dit…

Mahmoud bouali c'était le bibliothéquaire de bourguiba .Ca fait des lustres que je ne l'ai pas vu .

Il y a des autres histoires concernant notre marine, comme le fait qu'elle a transporté 10000 de nos soldats envoyés pour ce battre en crimée en 1851 . Il y a aussi l'histoire de ce torpilleur à vapeur que nos créanciers nous ont saisi au japon au 18.. quelque chose . Il y a aussi l'accord conclu avec les états unis je crois en 1796 pour que leur navires puissent naviguer librement sans êtres attaqués par nos corsaires . Aujourd'hui on est bien loin de tout ça .

Téméraire a dit…

@ A tous ceux qui ont apprécié ce Blog, et m'ont encouragé à continuer, je dis que l'histoire de notre petit pays et grande, malheureusement on en sait que le minimum.

J'apprécierai plus votre participation directe dans ce Blog

Unknown a dit…

je viens de decouvrir ce blog ...Et il faut dire que je me delecte de lire tout ces traits d'histoires meconnus de notre belle Tunisie...
Alors bravo a toi, bonne continuation et je te lirais regulierement