vendredi 10 août 2007

59- Histoire des Juifs de la Régence de Tunis (3ème Partie)

Avant l’abolition de la Dhimma en 1857, les Juifs étaient les seuls des sujets de la régence qui payaient au Bey une imposition personnelle; cependant, quoique cette redevance ait pour prétexte le but d'assurer leur sécurité, rien n'est plus commun que de les voir outragés et même frappés par les Maures; ils recevaient même les mauvais traitements ou les coups avec une résignation vraiment étonnante : mais aussi si jamais l’un d'eux osait en riposter à ses agresseurs, il risquerait infailliblement d'être compromis dans un procès sérieux, qui ne pourrait s'arranger que par le sacrifice d'une forte somme d'argent; et souvent ces insultes n'étaient pas d'autre but que cette extorsion abusive et tyrannique.

Les rabbins jouissent d'une autorité très étendue sur leurs coreligionnaires ; ils veillent non-seulement sur la stricte observance du culte mosaïque, mais aussi sur la conduite morale des particuliers de l'un et l'autre sexe.
Une fois, la Régence fut affligée d'une grande sécheresse, fléau qui est une des calamités les plus dommageables et les plus redoutées dans ce pays. Les rabbins ordonnèrent deux jours de jeûne rigoureux par semaine, et des prières solennelles pour obtenir du ciel la faveur d'une pluie abondante; malgré ces actes de pénitence et ces supplications ferventes, la sécheresse continua à désoler le pays. Les rabbins se persuadèrent alors que les péchés des impies, et surtout l’impudicité des femmes répudiées ou veuves, devaient être la seule cause du courroux céleste ; en conséquence ils firent dans toutes les familles juives des recherches scrupuleuses, à la suite desquelles ils découvrirent qu'un assez grand nombre de ces femmes délaissées, ou condamnées au célibat parla mort de leurs maris, avaient un commerce illicite avec des débauchés, ou même étaient devenues enceintes par suite de ce commerce criminel ; les pécheresses furent châtiées sévèrement; mais cette punition exemplaire n'empêcha pas que de nouvelles recherches n'en fissent découvrir encore un assez grand nombre, parmi lesquelles on en reconnut beaucoup de relapses, dont le châtiment précédemment subi n'avait pu amender la conduite.

Tout Juif convaincu d'avoir mangé à la table d'un Chrétien ou d'un Maure est fortement réprimandé par le rabbin, en pleine assemblée de la synagogue, et s'il vient à récidiver, il est déclare déchu de ses droits civils et religieux dans la communauté israélite; son témoignage n'est plus admis; il est frappé d'anathème, déclaré infâme, et en conséquence déshonoré dans l'esprit de tous ceux qui composent sa nation.
Les rabbins ne dédaignent même pas de s'occuper du règlement des habillements; et ils cherchent à réprimer le goût des jeunes filles pour l'élégance du costume, les bijoux, les parures et pour les modes du jour.

Je croirai volontiers qu'il est très probable que cette grande autorité des rabbins a dû exercer beaucoup d'influence sur la conservation et la propagation dans ces contrées de la secte mosaïque, qui sans cela aurait peut-être éprouvé des altérations et des changements aussi sensibles que toutes les autres sectes religieuses dont l'orient a vu les révolutions et l'extinction successive.
Cependant, si la sévérité des rabbins s'exerce sur les infractions du sixième et du neuvième commandement du Décalogue, leur rigidité se relâche singulièrement sur le reste de la conduite morale, de leurs ouailles, et principalement sur les diverses tromperies dont les Juifs ne se font aucun scrupule d'user dans le commerce avec les Chrétiens, et même avec les Maures, auxquels on peut dire qu'ils semblent vouloir disputer le monopole des fourberies et le privilège de la mauvaise foi.

Les rabbins sont les premiers à aider les membres de la synagogue dans toutes les manœuvres mensongères qu'ils emploient journellement, soit pour frauder les droits de la douane par de fausses déclarations, soit pour éluder ceux du fisc dans le payement de la redevance du "Kharadj", à laquelle les membres de la corporation judaïque sont soumis, espèce de capitation ou d'impôt personnel qui frappe également tous les individus de cette caste, de tout sexe, de tout âge, depuis le vieillard décrépité jusqu'à l'enfant à la mamelle.

La principale cause de l'ignorance du gouvernement lui-même est sur le nombre réel des Juifs habitant Tunis vient des fausses déclarations que font à ce sujet les chefs de la synagogue, donnant ainsi à leurs coreligionnaires les premiers exemples de duplicité et de fraude.

Les Rabbins tolèrent déjà la pratique de l’usure la plus révoltante qui soit désapprouvée mais cette pratique reste l’une des activités primordiale, et qui est repoussée par les Maures eux-mêmes ; beaucoup de Juifs ne vivent que des produits de ce trafic infâme de leur capital, et la seule chose dont ils s'occupent, c'est du soin de ne placer leur argent que d'une manière sûre, et entre les mains de débiteurs incontestablement solvables.

Dès qu'ils sont assurés de ce premier point essentiel, ils mettent tous leurs soins à garantir le recouvrement de leur capital et de leurs intérêts par les stipulations les plus rigoureuses, qu'ils s'efforcent de rendre aussi lucratives pour le créancier qu'oppressives et spoliatrices pour le débiteur.
Lorsque des emprunteurs n'ont aucun crédit, ou même n'ont qu'un crédit incertain, ils ont beau avoir besoin de quelque somme, ils ne la trouvent pas chez les Juifs, ou, s'ils réussissent à l'obtenir, ce n'est qu'en consentant à se soumettre aux quatre conditions suivantes :
1- De donner pour gage et nantissement quelques effets précieux et portatif, comme bijoux, diamants, perles, or ouvré ou en lingots, etc..., sur lesquels le prêteur ne donne jamais que moitié ou tout au plus deux tiers de la valeur intrinsèque ;
2- De payer d'intérêts par mois un, et même souvent deux, pour cent de la somme dont le prêt est stipulé, lesdits intérêts payables mensuellement et à jour fixe;
3- De défalquer d'avance sur la somme prêtée le montant des intérêts de la première année ;
4- Enfin, d'abandonner à l'usurier le gage entier, sans aucun dédommagement, si le débiteur se trouve dans l'impossibilité de lui solder un terme des intérêts à leur échéance. Dans ce dernier cas il n'est même fait aucune défalcation des intérêts payés aux différents termes précédents.

Ces prêts usuraires ne peuvent manquer d'absorber ainsi, dès la première année, le huitième au moins ou même le quart de la somme prêtée; chaque année porte le même préjudice à l'emprunteur ; et pour peu que celui-ci tarde à retirer son gage, il risque de le perdre entièrement, soit par les intérêts monstrueux qu'il est obligé de payer, soit par le défaut de payement d'un seul terme de ces intérêts. Il ne doit, dans ce dernier cas, espérer d'obtenir de son créancier ni la moindre faveur ni le moindre délai.

Mais il ne faut pas croire que cet infâme monopole se limite simplement à la nation juive: on accuse, à tort ou à raison, des Européens, qui se disent Chrétiens, de s'y livrer à Tunis avec autant d'empressement que les enfants d'Israël.
Ceux-ci, au reste, sont loin d'être découragés par la concurrence, soit des Européens, soit des Maures, dans toute espèce de commerce et de trafic, bien sûrs de l'emporter sur leurs concurrents, par leur habitude des affaires, leurs ruses financières, et surtout leur activité véritablement admirable.

A suivre ...

Bibliographie:
- Tunis au 19ème siècle (2ème partie) : Marginalité et mutations sociales - Abdelhamid Larguèche
- Algérie et Tunisie - Alfred Baraudon
- Histoire de l’Afrique Septentrionale (Berbérie) - Depuis les temps les reculés jusqu’à la conquête Française - Ernest MERCIER
- Description de l’Afrique Septentrionale – El Bakri
- Histoire ancienne de l’Afrique du Nord – Stéphane Gsell
- Histoire des établissements et du commerce Français dans l’Afrique Barbaresque (1560-1793) (Algérie, Tunisie, Tripolitaine, Maroc) - Paul MASSON
- Tunis, Description de cette Régence - Dr Louis Frank
- En Tunisie - Albert de la Berge
- Les Européens à Tunis aux XVIIe et XVIIIe siècles - Ahmed Saadaoui
- L'autre à travers le journal La Tunisie Française - Hassan El-Annabi
- Libération ou annexion - Aux chemins croisés de l'histoire tunisienne - Daniel Goldstein

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Je vous remercie Téméraire pour ce Blog et cet effort que tu ne tarde pas à le fournir, je suis parmi tes lecteurs les plus fidèles, je vous encourage à continuer à nous dévoiler ces perles historiques, c’est loin d’être une flatterie, je trouve ce que tu fait est très sérieux, riche et instructif, et moi en tant que lecteur j’éprouve un grand plaisir en lisant tes posts et je me réjouis de dénicher les sources pour que je puisse continuer l’épopée historique, je suis sûre qu’il y a en a plein de lecteurs anonymes qui partagent mon opinion.
Ne te fait pas de soucis sur qui c’est passé, je parle bel et bien de « l’affaire juive », parce que les juifs comme les musulmans d’ailleurs se sentent toujours offensés, mais malgré tout j’étais surpris de lire de tel s vulgarités de « Tonton », ce n’est pas digne d’un tunisien juif, parce que ce qu’il a dit ne reflète pas la bonté et la politesse éduqués par la religion juive et les tunisiens juifs, après tout nous sommes devant un Blog historique qui n’a rien a avoir avec les opinions personnelles.
Bon Courage Téméraire et surtout Bonne continuation
Bayrem, 22 ans ; Tunis

Tun-68 a dit…

"Les Juifs payaient au Bey une imposition personnelle dont le but est d'assurer leur sécurité.
Les tromperies dont les Juifs ne se font aucun scrupule d'user dans le commerce avec les Chrétiens, et même avec les Maures, auxquels on peut dire qu'ils semblent vouloir disputer le monopole des fourberies et le privilège de la mauvaise foi.
Les rabbins sont les premiers à aider les membres de la synagogue dans toutes les manœuvres mensongères qu'ils emploient journellement. La pratique de l’usure la plus révoltante reste l’une des activités primordiale, beaucoup de Juifs ne vivent que des produits de ce trafic infâme de leur capital."

je suis un mauvais lecteur, voila ce que j'ai retenu...

pauvre téméraire, c'est si dur que ça d'avoir 40 ans?

Anonyme a dit…

J'espère que téméraire à compris ce que valent réellement les types comme tun68 et cie .
Personnelemnt je l'ai compris, et je sais qu'ils n'iront pas loin ou peut-être bien que si avec un bon coup de pied dans le cul, y a peut-être des chances qu'ils atteignent mars .

De toute façon on veille au grain, le rempart contre les dépravés et autres exhibitionistes est plus solide qu'ils ne le croient .

Il me fait vraiment penser au mec que j'ai vu sur tf1 avec les femmes de l'est, je suis sûr que c'est lui .

Ou il est complètement niaid ou il fait semblant de ne pas comprendre .

Brabbi ya téméraire, essaies de faire une traduction pour les cas spéciaux comme lui, pour qu'ils puissent comprendrent, parce que là , ça devient grave, s'il ne comprends même pas le français .
J'avais déjà détecté une petite défaillance chez lui, mais je ne savais qu'elle était aussi importante .

En attendant, on peut toujours en rire, le rire étant une excellente thérapie .

Téméraire a dit…

@Bayrem Anonyme :
Merci pour ton encouragement, et je reprends avec plaisir ta dernière phrase que ce Blog n’a rien à voir avec mon opinion personnelle, et ce qui est dommage et que je continue de répéter est pourquoi ce genre de commentaire n’a pas vu le jour auparavant, lorsque certaines notes décrivaient les arabes sur le même ton.

@Tun-68 :
Tu n’es pas mauvais lecteur, et Téméraire est victime de ces 40 ans :) seulement ce syndrome atteint même les jeunes qu’on devrait mieux s’en occuper tel que le Blog le Imed Hbib !!! qui donne régulièrement des coups très bas aux arabes alors que je n’y lit que des commentaires élogieux.
Pauvres de nous, les Arabes, nous resterons toujours les plus misérables de cette terre.

@Mataadi :
Toutes les opinions sont respectables mais si elles sont en opposition de phase avec les nôtres.

Anonyme a dit…

"Blog le Imed Hbib !!! qui donne régulièrement des coups très bas aux arabes alors que je n’y lit que des commentaires élogieux."

Ti akhi 7ouwa rajel ake imed hbib ?
Wal jamma alli m3a7e rjel zeda ?

C'est bizarre qu'il se prétende de sousse ce imed hbib, a mon avis, il a certainement débarqué de quelques parts .Parce que je n'imagine pas que l'on ai de tel spécimens chez nous . Bien sur, il y a eu leur combattants supprême qui est le pire de tous, mais il a débarqué de quelques parts .

Téméraire a dit…

@Mataadi : je corrige mon dernier commentaire:
Toutes les opinions sont respectables même si elles sont en opposition de phase avec les nôtres.

Tun-68 a dit…

"Pauvres de nous, les Arabes, nous resterons toujours les plus misérables de cette terre."

j'ai rien compris.

Téméraire a dit…

@Tun-68:
On nous insulte dans toutes les couleurs, sur notre religion, sur nos origines, sur nos coutumes et on ne fait qu'afficher un petit sourire sans réagir ou bouger.
J'aurais du dire nous sommes les plus pacifistes de cette terre au lieu de misérables.

Anonyme a dit…

"J'aurais du dire nous sommes les plus pacifistes de cette terre au lieu de misérables."


Ben nous sommes quand même la meilleure communauté apparue sur terre tout de même, c'est pas rien .

Même si cela déplait à certains qui ne peuvent pas admettre que les quelques musulmans dont l'on entend souvent parler à la télé ne sont apparues que suite aux agressions subies .

Mais , comme nous sommes tellement bons, qu'il y en a même parmi nous qui s'en prennent à ceux qui se défendent et ils vont même jusqu'a soutenir certaines agressions .Oui, vraiment, dans ces conditions, il est clair que nous sommes la meilleure communauté sur terre, puisque nous sommes tellement pacifistes, que nous nous en prenons à ceux qui nous défendent (voir certains blog diana et cie ) . Oh lala qu'est ce que je me sens bien en faisant partie de cette communauté . Bon tun-68, mani, ancien, citoyen et cie, on fume le calumet de la paix ?