lundi 9 avril 2007

50- Tunis racontée par Al Bakri en 1068 JC (3ème partie)

La mosquée de la ville de Tunis est très élevé et domine la mer; aussi une personne assise dans l’intérieur de l’édifice peut voir très facilement les bateaux qui vont et qui viennent. On monte à cette mosquée, du côté oriental, par un escalier de douze marches.

A Tunis les bazars sont très nombreux et renferment des marchandises dont l’aspect remplit le spectateur d’admiration. On compte dans la ville quinze bains et beaucoup de caravansérails qui s’élèvent à une grande hauteur.
Les portes de toutes les maisons sont encadrées de beau marbre; chaque montant est d’un seul morceau; un troisième morceau, placé sur les deux autres, forme le linteau. De là vient le dicton: “A Tunis, les portes des maisons sont en marbre (rokham); mais à l’intérieur tout est couvert de suie (sokham).”

Tunis est un grand centre d’études; on y cultive surtout la jurisprudence, et plusieurs natifs de cette ville ont rempli les fonctions de grand cadi de l’Ifriqiya. Malgré cette particularité, qui lui fait tant d’honneur, Tunis s’est toujours distinguée par la fréquence de ses révoltes contre les souverains de l’Ifriqiya et par sa promptitude à résister aux ordres de ses gouverneurs; plus de vingt fois elle s’est mise en insurrection.

Du temps d’Abou-Yazid, les habitants eurent à subir une dure épreuve: le massacre, la captivité et la perte de leurs biens.

On fabrique dans cette ville des vases d’argile nommés rihïia (aériennes), qui servent à contenir de l’eau; ils sont d’une blancheur éclatante et minces au point d’être presque diaphanes. On ne trouve rien de comparable dans aucune autre ville ou région de la terre.

Tunis est une des plus illustres villes de l’Ifriqiya et des plus riches en excellents fruits; il y a surtout une amande que l’on nomme frik (friable), parce que la coque en est si mince qu’on peut la briser en frottant l’un de ces fruits contre l’autre; on peut même l’écraser avec la main. Presque toujours on trouve deux noyaux dans chaque coque, ce qui ne les empêche pas d’être très gros et très agréables au goût.
Citons encore la grenade tendre, dont les grains ne renferment pas de pépins, et ce fruit, rempli de suc, est d’une douceur parfaite; le gros citron, d’un goût délicieux, d’une odeur agréable et d’un aspect séduisant; la figue nommée el-kharemi, qui est noire, grande, mince de peau, pleine d’un suc mielleux, et, presque toujours, sans graines; le coing, qui n’a pas de pareil pour la grosseur, la douceur et le parfum; les jujubes fines, grandes comme des noix; l’oignon nommé el-callaouri (le calabrien), grand comme une orange, de forme allongée, â peau mince, très juteux et d’un goût franc et parfait.

Le poisson est très-abondant à Tunis et on y trouve plusieurs espèces qui ne se rencontrent pas ailleurs. Chacune d’elles fréquente alternativement la mer de Tunis pendant l’un des mois de l’année chrétienne; puis elle disparaît tout à fait jusqu’au même mois de l’année suivante. Ce changement permet aux habitants de Tunis de se livrer aux jouissances du goût sans interruption et sans éprouver de la satiété. Ces espèces servent aussi à faire des salaisons qui se conservent pendant plusieurs années sans rien perdre ni de leur forme, ni de leur bonne saveur. Dans le nombre, nous pouvons citer l’âbanec, l’octobrien (8), l’achbarus
(sparus), le menkous (ombrine) et le bacounis; on connaît le dicton populaire: Sans le bacounis, point de révolte à Tunis.

8- Le poisson qui, de nos jours, paraît en octobre dans le golfe de Tunis, s’appelle chelba: c’est une espèce de dorade.

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