samedi 3 mars 2007

41- Chronolgie des événements de la signature du Protectorat Français (16ème Partie)

Le gouvernement français et les gouvernements étrangers savaient également quel compte il fallait tenir des protestations du bey et de ses prétendus égards pour la France. I1 n'y avait qu'une réponse à faire à un pareil document, c'était d'aller au Bardo faire confesser au bey que depuis plusieurs années il se moquait de nous et que lui même avait intérêt à renoncer à cette politique. La colonne du général Bréart n'avait pas d'autre mission.

Le 6 mai, les troupes débarquées à Bizerte étaient fortes de 6,000 hommes et constituaient une brigade dont le général Bréart prit le commandement.
Le général avait l'ordre de marcher sur Mateur, mais pendant trois jours la pluie tomba presque sans interruption et on dut ajourner tout mouvement. L'état-major fit publier une interdiction d'emporter l'orge et le blé du territoire de Bizerte. En même temps il se procurait des guides et faisait occuper toutes les hauteurs occupant la ville par les nouvelles batteries arrivées.

La brigade Maurand, qui se constituait à côté de la brigade Bréart, devait être plus nombreuse et compter environ 7,000 hommes avec quatre batteries d'artillerie, deux de 90, une de 4 de montagne attelée et une de 4 de montagne à dos de mulet.
Le 6 mai l'intendance arrivait et préparait les moyens de ravitaillement, le même jour le général Bréart envoyait des émissaires au caïd de Mateur et aux tribus des Bedjaoua et des Arabes pour leur demander si elles voulaient ou non recevoir des troupes françaises sur leur territoire.

Le 8 mai, les deux brigades se mettaient en mouvement, la brigade Maurand se dirigeant à l'ouest vers Mateur en contournant le lac de Bizerte, la brigade Bréart en se portant vers le sud-est dans la direction de Tunis. La pluie continuait torrentielle. La colonne Bréart se mit en route à cinq heures du matin et elle n'arrivait au bivouac, à Bahiret Gournata, qu'à minuit après une marche, excessivement pénible de 27 kilomètres, à travers des fondrières et des terrains marécageux d'une traversée très difficile.

Le général avait l'ordre d'être à Djedeida, sur la ligne du chemin de fer de Tunis, le 9, à huit heures du matin ; mais, la pluie étant tombée sans interruption pendant toute la nuit, il se borna à se porter à Fondouk, à 13 kilomètres de Bahiret Gournata. Le temps étant revenu au beau, les troupes purent se reposer et repartir le lendemain 10 pour Djedeida.
Ce hameau, ou plutôt cette réunion de maisons de campagne est une localité importante au point de vue stratégique, en ce qu'elle est le point de jonction, de toutes les voies qui se rendent à Tunis des divers points de la Régence. Située au point de bifurcation de la vallée de la Medjerda et de la ligne ferrée, Djedeida commande Tunis, la région du nord et toutes, les avenues de la frontière.
Autour de Djedeida débouchent les routes de Mateur, de Bizerte, de Porto-Farina, de Béja et du Kef. Le Bardo est à 16 kilombtres, Tunis à 20 kilomètres. Aux alentours s'étendent de riches plaines fécondes en ressources et qu'aucune éminence ne commande sauf au nord-est le Djebel-Ahmar que le gouvernement tunisien n'a d'ailleurs jamais songé à fortifier.

Le 10 mai le général Bréart quittait le campement de Fondouck et, remontant la vallée de la Medjerda, passait à Sidi-Thabet, Garf el Fana, et arrêtait dans la matinée à Djedeida, où les troupes installaient leur campement au milieu de magnifiques plantations d'oliviers.

Le 11 mai au soir, la colonne était renforcée par le 92ème de ligne et une batterie d'artillerie.

Le 12 mai à neuf heures, des officiers d'état-major, un capitaine, des sergents fourriers et un peloton de hussards arrivaient à la Manouba à 2 kilomètres du Bardo, et cherchaient à droite et à gauche de la voie ferrée un emplacement favorable pour établir le camp, s'assurant des fontaines, des puits et des sources situées dans les jardins environnants.
A 600 mètres de la station du chemin de fer sont des casernes inoccupées. A la même distance est le palais de Sidi-Larrouck, ministre de la marine, qui fit prévenir les officiers français qu'il était prêt à les recevoir dans son palais.
A neuf heures et demie, l'avant-garde de la colonne Bréart arrivait à la station. A onze heures moins un quart, arrivent à leur tour la colonne Maurand et la colonne Bréart clairons sonnant. En venant occuper le jardin d'Ismaël Soumyn, la musique du 92ème joue le Chant du départ aux applaudissements des membres de la colonie française accourus de Tunis. Un grand nombre de propriétaires musulmans et de notables tunisiens assistent également au défilé. La colonie française applaudit à outrance lorsque passent trois belles batteries d'artillerie du 13ème et du 9ème régiment.
Dans les groupes on annonce que le bey est dans de meilleures dispositions et on se communique le texte de la circulaire suivante qu'il vient d'adresser aux caïds et aux gouverneurs de la Régence :

« Il est parvenu à notre connaissance que l'entrée des troupes françaises dans le pays des Kroumirs a produit une certaine émotion, parmi quelques tribus. Nous avons protesté contre cette violation de notre territoire, accomplie sans qu'il y est de mots d'hostilité entre nous et le gouvernement de la République française, et sans qu'aucune déclaration de guerre nous ait été adressée.
Toutefois cette affaire sera arrangée diplomatiquement et pacifiquement. C'est à quoi nous sommes actuellement occupés, de concert avec le gouvernement impérial ottoman et avec le concours des autres puissances amies.
Par suite de ce qui précède, il est du devoir de chacun de maintenir l'ordre partout, pour pouvoir conduire à bonne fin la solution de l'affaire, avec modération et sans aucun désordre.
Nous vous recommandons donc de ne point quitter le siège de votre gouvernement, afin d'empêcher, par votre présence, les populations qui se trouvent placées sous votre administration, de se livrer à aucun acte pouvant entraver les dispositions prises par nous.
Vous recommanderez cela aux populations de la manière la plus formelle, et vous les détournerez surtout de s'occuper des conversations de gens intéressés à susciter des troubles.
Vous leur ferez surtout comprendre à quelles conséquences s'exposeraient les gens qui contreviendraient à ces ordres. »

Cette circulaire comparée aux protestations des jours précédents permet de mesurer le chemin que l'esprit du bey avait parcouru en quelques jours. Le débarquement de nos troupes à Bizerte et la double marche sur Mateur et sur Fondouck avaient produit leur effet au Bardo. Le bey comprenait sans l'avouer toute l'étendue de la faute qu'il avait commise en se faisant l'instrument de la politique italienne contre nos nationaux. Une scène très vive eut lieu au palais beylical entre Mohammed es-Sadok et des agents italiens. Il leur reprocha amèrement leur conduite.

« Puisque vous Italiens, ne vous sentiez pas capables de me soutenir, pourquoi m'avez-vous mis en conflit avec la France? Qui perd aujourd'hui, c'est moi, et je perds pour avoir voulu vous favoriser! »

Qui rapportait ces propos du bey? le correspondant d'un journal italien, le Pungolo de Naples. Et il ajoutait avec raison : « Quant aux Italiens établis et nés à Tunis qui ont travaillé pendant vingt ans pour établir la suprématie italienne en ce pays, ils disent à leur gouvernement : Si vous ne vous sentiez pas capables de la conduire jusqu'au bout, pourquoi avez-vous suscité la question tunisienne? Nous étions si heureux auparavant, pourquoi êtes-vous venus nous troubler? »

Ces sentiments étaient ceux de la population européenne, des Israélites, des Maltais et d'un grand nombre de Maures de Tunis qui étaient revenus de leurs préventions contre la France ou qui mesuraient toute l'étendue et la gravité des fautes commises par nos adversaires.
Cependant, à la première nouvelle du départ des Français pour Tunis, la ville avait éprouvé une véritable panique. Dans le quartier des bazars, les Juifs avaient fermé leurs boutiques et s'étaient barricadés, craignant d'être pillés et massacrés par les Arabes avant l'arrivée de nos troupes. De nombreuses patrouilles furent organisées pour maintenir l'ordre. Sur la place de la Marine le férik ordonna aux zaptiés ou gendarmes de déclarer dans les rues de la ville que la population devait se rassurer et que les Français ne commettraient aucun désordre.
Il leur commanda également de disperser tout rassemblement, et les cafés arabes eurent l'ordre de se fermer avant la nuit. Ce qui avait ajouté au trouble, c'est qu'on avait annoncé l'entrée des troupes dans la ville même. Cette nouvelle avait pris d'autant plus de consistance que la veille deux hussards avaient failli prendre possession de la capitale de la Régence. Ces deux cavaliers du 1er hussards avaient été envoyés en estafettes de Fondouk à Djedeida. Ils avaient fait fausse route et étaient arrivés devant une des portes de Tunis dont les gardiens les regardaient avec consternation. Ils reconnurent leur erreur. L'un proposa de rebrousser chemin. L'autre répond : Pourquoi reculer? Entrons-y puisque nous y sommes. - Non, riposte le premier ; pas possible, nous n'avons pas d'ordre.

1 commentaire:

Nada a dit…

Bonjour Téméraire
Je voulais d'abord te remercier pour les gentils messages que tu as laissé sur mon blog. Je t'écris pour te proposer un tit truc.
Je suis modératrice sur le forum Mac125 et on est en train de créer un magazine destiné aux jeunes tunisiens. Je trouve très intéressant ce que tu écris sur la Tunisie et ce serait très sympa d'en faire profiter un maximum de gens. Si tu veux participer à la rédaction du magazine tu peux nous proposer un article (même un article que tu as déjà écrit sur ton blog) et on mettra le lien vers ton blog.
A bientôt
Nadouille