jeudi 15 mars 2007

44- Chronolgie des événements de la signature du Protectorat Français (19ème Partie)

Le journal officiel tunisien Er-Raid ne dit pas un mot de la convention conclue dans la journée de jeudi. Il se borna à publier une note sur l'entrevue qui eut lieu le vendredi matin au Bardo entre le bey, le général Bréart et M. Roustan. Voici cette note, qui est assurément fort originale, surtout étant donné le silence de la feuille officielle sur le traité du Bardo.

A V I S
Louange à Dieu.
Le Raîd tunisien informe le public qu'hier samedi une entrevue amicale a eu lieu entre S.A. le bey et M. le général Bréart, commandant en chef de l'armée française, qui se trouve dans le voisinage de la capitale.
Cette entrevue a eu lieu en présence du chargé d'affaires et consul général du magnanime gouvernement de
France. Elle avait pour but de démontrer les rapports d'amitié qui existent entre les deux nations.
Son Altesse a prié le susdit général d'abandonner son projet d'entrer dans la capitale, afin d'éviter la surexcitation qui aurait pu se produire parmi les habitants, par suite de ladite entrée; il l'a prié également de repartir avec son armée.
M. le général a acquiescé à cette demande, et Son Altesse a reçu de lui l'assurance que les troupes n'entreraient point à Tunis, et qu'elles reprendraient le chemin par lequel elles étaient venues, afin de rassurer les habitants et de leur affirmer la plus complète sécurité.
Nous nous empressons de publier le présent avis.
Tunis, 17 djoumada ethani 1298 (15 mai 1881).

La population européenne éprouva une vive satisfaction de voir la situation déblayée et surtout d'avoir auprès d'elle les troupes françaises dont la présence était une garantie pour sa sécurité. Pendant les journées du vendredi et du samedi, la route de Tunis à la Manouba et les trains du chemin de fer ne désemplirent pas. Les Français, les Israélites, les Maltais, les Mozabites se donnaient tous le camp français pour but de promenade.
La route était sillonnée à tout instant par des équipages de toute forme, carrosses, charrettes, siciliennes, mulets harnachés, bourriquots sur lesquels pendaient les longues jambes des négres. Les Européens commentaient beaucoup la nomination de M. Roustan au grade de ministre plénipotentiaire de 1ère classe dont la nouvelle s'était répandue le 13 au soir.

Les Italiens en montraient une vive irritation. La colonie française ne cachait pas par contre le contentement qu'elle éprouvait à voir récompenser notre habile et énergique représentant et à constater cette première et importante conséquence de la nouvelle situation. Elle se montrait moins satisfaite du maintien de Mustapha comme premier ministre.
Dans la journée du dimanche 15 mai, le général Bréart passa la revue des troupes cantonnées à la Manouba. M. Roustan, en grande tenue, était présent à côté du général. Une foule très nombreuse était venue de Tunis. Plus de six mille personnes assistaient à la revue ; parmi elles très peu de musulmans.
Le bey devait assister la revue, mais au dernier moment il se fit excuser. La revue avait eu lieu à quatre heures.

A dix heures du matin, le général Bréart avait reçu la colonie française au palais du consulat, entouré de douze officiers d'état-major.

Le lendemain 16, les colonnes commencèrent leur mouvement pour rejoindre les brigades Logerot et Delebecque. Les troupes quittèrent le camp de la Manouba et se transportèrent à Djedeida où le général
Bréart devait rester jusqu'à la fin mai, pendant que la brigade Maurand, composée d'un bataillon du 38ème de ligne, du 30ème bataillon de chasseurs, d'un escadron du 1er hussards et d'une batterie d'artillerie se dirigeaient sur Mateur.

8 commentaires:

Monsieur-bien a dit…

Temeraire je voudrai encore une fois te remercier pour tout les efforts que tu deploi pour faire connaitre au grand public l'histoire de notre bien aimé pays et en particulier la phase douloureuse de colonisation de 1881.
Cependant je pense qu'a ce stade tu nous a dit beaucoup et que par consequent l'essentiel a été dit.
Personellement je m'interesse beaucoup à la periode 1850-1870 qui est celle ou les reformes ont été engagés sous le leadership de Khereddine: Creation du lycée Sadiki, creation du Raied Errassmi etc....C'etait un peu la renaissance pour notre pays... Je serai vraiment comblé si à un moment ou un autre tu pouvais utiliser tes archives et tes sources pour nous eclairer un peu plus sur les personnages forts de cette periode...Si ma memoire est bonne elle a du debuter sous le regne de Ahmed Bey et s'est etalé pendant une periode du regne de Sadok Bey....La periode de Colonisation c'est en fait la fin de la renaissance et la perte de la souvereneté et je pense que la periode qui l'a precedé est plus importante...En tout cas pour moi....Encore une fois Bravo pour ce que tu fais pour raviver la memoire collective

Anonyme a dit…

Cher Monsieur-bien,
La periode sous laquelle un pays est colonise n'est generalement pas la plus glorieuse. Cela-dit je suis d'accord sur le fait que la periode pre-coloniale etait un age d'or en ce qui concerne la Tunisie. La deuxieme belle periode c'est celle des reformes Bourguibiennes (droits de la femme etc...). Culturelement notre pays a toujour ete tres riche et je salue le travail de l'auteur du blog. Il est bien malheureux de voir dans quel etat notre pays se trouve dans le domaine de la culture, elles sont bien loins les annees ou la goulette etait un cartier cosmopolite.

Téméraire a dit…

@Monsieur Bien : J'y reviendrai sûrement avec beaucoup de détails sur la période de Khéréddine.
Il y a beaucoup de documents et synthétiser une note nécéssite du temps.

@Harissa : Des question qui sont source de beaucoup de divergences.
La colonisation est-elle un mal nécéssaire ?.
Cette colonisation n'a-t-elle pas été un facteur de révolution dans les mentalités qui a permis non seulement de se libérer du protecteur mais aussi de continuer la construction?
Serions-nous dans une situation meilleure ou pire si la colonisation n'a pas eu lieu?
La Tunisie aurai-t-elle pu devenir une république ou rester une régence sans le protectorat?

Anonyme a dit…

Tres bon point temeraire, nous n'avons aucune reponse a ces questions et c'est malheureux de constater que le seul changement dans la politique Tunisienne aie ete engendrer par le protectorat. Et si Ben Youssef avait ete preferer a Bourguiba par les revolutionnaires quelles auraient ete les consequences ? une dictature? une democratie?

Anonyme a dit…

Bonjour, oui je sais j'arrive tres tard mais je viens juste d'integrer votre communeauté, c'est un travail precieux que vous faites là et j'en suis ravi je me réjouis d'autant plus car je m'y retrouve un bémol toutefois dommage que c'est toujours le point de vue du vainqueur qui est consigné par les historiens c'est vrai que nos "élites" de l'époque n'ont rien écrit ou tellement peu alors il y a lieu à mon avis de faire une lecture critique, c'est ce qui me ramène à croire que ce que l'on veut nous faire passer pour une période de réformes (1839-1862 et non 1850-1870) ne fut que la matrice et le terreau des événements dramatiques que vécurent le pays et les populations : repression de 1864, instauration de la commission internationale et mise sous tutelle des finances du pays et le couronnement c'est l'arrivée de l'aventurier Ben Ismail et le traité de bardo. je ne vois point de réformistes dans cette faune de "Levantins", rénegats, corrompus et autres Elyas Mussally ou Joseph allegro... L'attitude d'un Kheyreddine dans l'affaire de ses propriétés agricoles ( cadeau du bey par ailleurs)cédées à une compagnie française est déshonorante sa "fuite" en Turquie encore moins alors qu'un général H'ssine qui a passé plus de 10 à déffendre les intér^ts tunisiens devants les tribunaux Italiens et Français est tout simplement exemplaire sont attitude est d'une grandeur est son amour pour ce pays que lui même considère d'adoption à une époque où le souci premier de tout le corps d"état" est de s'emparer de la plus grosse part du peu que le pays disposait. Bonne continuation quand même, le sillon est tracé il faudrait l'approfondir
Amitiés

Téméraire a dit…

Merci pour ton passage et je découvre bien ton Blog qui parait être aussi très intéressant.
Tu l’as bien noté, et ça été évoqué dans plusieurs autres commentaire, nous ne disposons que des témoignages du vainqueur et c’est bien normal que c’est son point de vue qui va dominer l’analyse de la situation et il risque fort (ou délibérément) de déformer la réalité. On n’a pas le choix que de prendre ses textes comme base de travail et de faire des recoupements avec tout document disponible et surtout avec la raison.

Je suis d’accord avec votre point de vue de la situation mais je ne sais pas si on devait inculper Kheireddine de traitrise ou d’actes déshonorant sachant encore que l’histoire a été écrite par un seul protagoniste qui n’appréciait pas ce dernier.

Franchement, je pense que Kheireddine Pacha a été un Grand Homme et le témoignage le plus véridique est son livre “ Le plus sûr moyen pour connaître l’état des Nations ” dont lequel il démontre son réel souci pour le développement de ce pays.

Anonyme a dit…

Longtemps et jusqu’à nos jours les évènements liés à l’expédition française en Tunisie de 1881 ont été rapportés d’une manière partiale et tendancieuse, c’est toujours le point de vue du vainqueur qui a prévalu, il fallait faire intérioriser aux tunisiens la défaite comme une fatalité conséquence de « l’état de d’arriération » du pays de ses habitants de leurs religion, mœurs, coutumes, traditions et surtout leur altérité vis à vis d’un occident judéo chrétien, ascendant hégémonique et expansionniste. Il n’est pas étonnant de retrouver cette « idéologie » sous-tendre la pensée d’une grande partie des élites du mouvements national « moderniste » dont l’idée maîtresse est résumée par l’affirmation du président H. Bourguiba : « La Tunisie avant moi n’était qu’une poussière d’individus sans liant national ou patriotique » En fait cette assertion est dans la continuité naturelle des idées des « penseurs » des campagnes coloniales française aussi bien en Tunisie qu’ailleurs : les territoires sans Nations( les futures colonies) à intégrer dans une grande nation ( la métropole Française) Ces penseurs qui ont servi en fait les visées expansionnistes d’un capitalisme naissant aussi bien que celles d’une foule d’aventuriers financiers, politiciens, et boursicoteurs. C’est vrai mon approche est si crue et insensée qu’elle est difficilement soutenable et acceptable certes, mais la manie incessante de nous faire occulter des pans entiers de notre histoire de nous la présenter d’une manière tendancieuse, sacralisée et sublimée finit par nous laisser nous poser des questions graves et parfois relevant de l’anathème, si nous ne procédons pas de cette façon qui ressemble plus à un grand coup de pieds dans la fourmilière que de la recherche posée et tranquille dans le silence confortable des grandes bibliothèques, nous finissons par être les complices d’un réel génocide « immatériel » à l’égard de la mémoire collective des générations passées et celles à venir.Le drame c'est que les travaux universitaires n'arrivent pas et renverser la tendances des clichés politique de type: " les reformistes de Kheyreddine à Ben Ali" et qu'entre temps les manuels d'histoire qu'on impose à nos enfants continuent à deverser des contr vérités énormes sur notre histoire depuis les temps anciens.

Téméraire a dit…

Je t’en prie qu’on ne parle pas de manuels historiques pour les écoliers, c’est de la pure mascarade. L’Histoire, c’est une continuité d’événements et non pas des clichés fragmentés. Discute avec un étudiant en Bac, sur l’histoire de la Tunisie et tu vas t’effondrer de rire.

A part quelques uns qui se comptent au bout du doigt, nos académiciens sont plutôt des fonctionnaires que des chercheurs, ils se soucient plus de leurs primes et salaires que de la vérité qui gène et peut-être qu’ils ne sont même pas capable de défendre leurs thèses et visions autant que correcte soit-elle.