lundi 10 août 2009

79- La Conquête de Tunis par les Turcs (7ème partie)

En 1551, Charles V résolut de mettre un terme aux déprédations de ce forban, qui avait réussi à se créer une sorte de royauté maritime sur le littoral tunisien. Une expédition importante fut envoyée à cet effet contre la ville de Mahdia, sous les ordres de Don Juan de Vega, vice-roi de Sicile, qui emmena avec lui l'infortuné Moulay Hassan, dont il comptait utiliser l'influence pour assurer le succès de l'entreprise. A la nouvelle du débarquement des Espagnols, Dargouth, qui était en ce moment à la mer, revint en toute hâte pour s'opposer aux assaillants ; mais il fut forcé de reprendre le large et d'abandonner la défense de la ville au seul courage de ses habitants.
Le 10 septembre 1551, après un terrible assaut, la place capitula. Douze cents Musulmans perdirent la vie pendant la durée de ce siège, et neuf mille furent réduits en esclavage.

Après avoir laissé son fils, Don Alvar, comme gouverneur de Mahdia, avec 1500 hommes de bonnes troupes et de grands approvisionnements, don Juan de Vega, rentra avec sa flotte en Sicile.
Don Alvar ne resta pas longtemps en possession du gouvernement de cette place ; l'argent lui ayant manqué pour payer les troupes de la garnison, celles-ci se révoltèrent et se donnèrent pour chef un certain Antonio Aponti, qui parvint, à l'aide de quelques razzias heureuses, opérées sur les tribus des environs, à faire vivre ses hommes jusqu'au moment ou le vice-roi de Sicile les fit rentrer dans l'obéissance.
En 1553, Charles-Quint résolut d'abandonner Mahdia, dont l'occupation lui semblait trop onéreuse. Il chargea don Fernand d'Acuna d'en détruire toutes les fortifications et de ramener la garnison en Espagne.

En 1560, Philippe II conçut le dessein de s’emparer de Tripoli. Dans ce but, il confia 14,000 soldats à don Duan de la Cerda, duc de Medina-Coeli, vice-roi de Sicile, et s'en remit à son zèle et à son expérience le soin de diriger les opérations (1560).
La Cerda embarqua ses troupes sur 113 navires, et se dirigea vers l'île de Djerba, qui se rendit première sommation. C'était un heureux début ; mais, pour qu'il portât des fruits, il fallait qu'on marchât sans délai sur Tripoli, alors au pouvoir de Dargouth.
Par malheur, il n'en fut pas ainsi : le mauvais temps, l'extrême agitation de la mer, obligèrent le chef de l'expédition à rester plusieurs semaines au mouillage de l'île. Dargouth profita fort habilement de ce répit pour informer le Grand-Seigneur des dangers qui menaçaient les possessions turques en Afrique.

Comme l'avis était pressant, le Divan envoya bientôt de Constantinople cent soixante galères et navires portant quarante mille soldats, et lui prescrivit de faire toute la diligence possible, pour surprendre la flotte espagnole à son ancrage de l’île de Djerba. Au risque de briser ses mâtures, Sinan-Pacha se couvrit de voiles, et fondit à l'improviste sur la masse compacte des bâtiments de MedinaCoeli, qui eurent peine le temps d'appareiller, pour échapper à une destruction inévitable. L'attaque fut si brusque, que 19 galères et 14 transports furent enlevés, avant d'avoir pu couper leurs amarres.

Indépendamment de cette perte matérielle, 5,000 Espagnols furent jetés dans les fers. Après ce grand désastre, le duc de Medina-Coeli réunît quelques-uns de ses vaisseaux et rentra en Europe, laissant don Alvar de Sande le soin de défendre la forteresse de l'île de Djerba, ou il se trouvait enfermé avec une poignée de soldats.

Après avoir enduré, pendant plusieurs semaines, les plus cruelles privations, le contingent se décida de se jeter en désespérés sur les lignes ennemies, de les percer et de profiter de la confusion et de la surprise que leur attaque allait causer dans les rangs, pour gagner précipitamment le rivage et s'emparer des premiers bâtiments qui leur tomberaient sous la main. Au jour dit, ils sortent de leurs retranchements, fondent sur l'armée turque, et essaient de se faire jour à travers les épais bataillons. les Turcs se rallient, enveloppent la petite poignée d'espagnols et les abattent à coups de cimeterre.
Pour constater leur victoire et la rappeler aux générations futures, les Turcs avaient élevé, sir le théâtre même de leur exploit, une pyramide entièrement composée de crânes et d'ossements ennemis qui ne fut enlevée qu’en 1846 suite au souhait exprimé au Bey par le Consul Général de France et le préfet apostolique à Tunis.

Resté définitivement maître de l’autorité à Tunis, Hamed afficha sa sympathie pour les Turcs et sa haine contre les chrétiens. Chose curieuse, la petite troupe de mercenaires espagnols qui avait été laissée à son père par Charles V devint son plus solide appui, grâce au dévouement de son chef Juan, qui avait pris les mœurs et le costume musulmans. Cet homme fut le véritable maître à Tunis et y exerça sur tous une sanguinaire tyrannie.
Hamed forma aussi un corps de trois mille cavaliers appelés les Zemasnïa, bien armés et bien montés, qu’il employa surtout à combattre les arabes rebelles, particulièrement les Ouled Saïd ; qui on été toujours traités comme de simples infidèles en raisons de leurs multiples traitrises envers les monarques de ce pays.

Le nouveau roi Hafside, Moulay Hamed, eut lui aussi beaucoup de mal à s’imposer. Il faisait régulièrement appel au sultan de Constantinople, en même temps qu'il signait des trêves, voire des traités avec les Espagnols. Cette versatilité du pouvoir hafside, qui tantôt s’en remettait aux Espagnols et tantôt pactisait avec les Turcs, s’expliquait par sa faiblesse face à deux empires si puissants.

Au mois de mars 1568, Euldj-Ali a été nommé Maître d’Alger et à peine que le nouveau Beylarbeg vint prendre possession de son poste il se décida de conquérir le Royaume des Hafsides.

Comme son surnom l’indique, Euldj-Ali était un renégat, originaire de l’Italie méridionale. Pris fort jeune par les musulmans et qui avait ramé longtemps dans les chiourmes, refusant obstinément d’abandonner sa religion ; il avait reçu pendant cette partie de son existence le surnom d’El-Fartas (le teigneux ou le chauve) par les arabes et Uchali Fartax (le renégat teigneux) pour les Chrétiens.
Euldj-Ali désespérant d’obtenir sa liberté, il avait fi ni par abjurer le christianisme, comme tant d’autres à cette époque, et pris le nom d’Ali.
Son énergie et son intelligence lui avaient bientôt fait obtenir le commandement d’un navire et il était devenu un des meilleurs lieutenants d’Hassan, fils de Khaireddine, et de Dragut.

Donc en raison de la fragilité du pouvoir Hafside, le maître d’Alger, Euldj Ali, se tourna alors vers la Tunisie où régnait, sans aucune gloire, Moulay Hamed, qui était en état d’hostilité ouverte avec les Espagnols de la Goulette et en guerre contre ses sujets, particulièrement les Ouled Saïd et les Chabbïa.
La croisade que les puissances chrétiennes préparaient contre le Turc était connue de tous ; le Beylarbeg savait qu’il était appelé à jouer un grand rôle dans le duel maritime dont la Méditerranée allait être le théâtre et il jugeait nécessaire que Tunis fût en sa possession.

En octobre 1569, il se mit en marche vers l’est, à la tête de 5,000 mousquetaires réguliers, et s’adjoignit en chemin les contingents des Kabyles, les goums des Amraoua et ceux des Garfa et autres tribus de la province de Constantine.
A l’annonce de son approche, Moulay Hamed était sorti de Tunis, mais il n’avait avec lui que ses spahis, appelée Zemasnïa, au nombre de 3,000, plus 1,600 Arabes nomades. La rencontre eut lieu près de Béja et l’armée turque triompha sans difficulté des Tunisiens qui furent poussés, jusqu’à la Medjerda.
Cette rivière, étant débordée, arrêta un instant l’armée d’Euldj-Ali ; cependant il parvint à la franchir et, s’étant mis sur les traces du prince hafside, lui infligea une nouvelle défaite près de Sidi Ali el-Hattab.

Moulay Hamed rentra alors à Tunis ; mais, jugeant toute résistance inutile, il réunit sa famille et les valeurs qu’il put emporter et partit dans la direction de Radès. De là il put traverser le lac dans un endroit où la profondeur de l’eau était moindre et se réfugier chez les Espagnols du fort de Chekli. Après l’avoir reconnu, ceux-ci lui ouvrirent la porte et le recueillirent. Le Gouverneur espagnol de la Goulette Don Pedro Carrero le prit sous sa protection

Euldj-Ali ne tarda pas à paraître ; il entra à Tunis sans coup férir, accueillit la soumission des Zemasnia et s’appliqua activement à rétablir la paix. Après un séjour de quatre mois dans sa nouvelle conquête, il reprit la route d’Alger, laissant Tunis sous le commandement de son caïd, Ramdhane, avec un millier de Turcs, autant de Zouaoua et les forces de son prédécesseur (fin 1569).

Quant à Hamed, il passa en Espagne et s efforça de justifier auprès de Philippe II, sa conduite antérieure, le suppliant de lui fournir le moyen de remonter Sur le trône.

A suivre ...

4 commentaires:

Monsieur-bien a dit…

Les Vega ont eu une decendance à Mahdia, les Ouaja.....

Téméraire a dit…

Ah, je connais des Ouaja de Mahdia, et je ne savais pas qu'ils étaient d'origine espagnole !!!. Merci pour l'info

coeos a dit…

sans vouloir anticiper sur le prochain épisode, est ce que tu nous dira quel est le lien entre la prise de tunis et la fameuse bataille de lepante ?

Téméraire a dit…

@Coeos:
Il n'y a pas de lien direct entre la prise de Tunis et la Bataille de Lépante.
Tunis, Alger et Tripoli constituaient des bases stratégiques aussi bien pour les espagnols que pour les Ottomans (à travers leurs corsaires et leurs vassaux).

Espagnols et Ottomans se disputaient la dominance de ses Lieux ainsi que celui de la méditerranée et la Bataille de Lépante était inévitable. Elle fut un tournant décisif dans les stratégies militaires navales de l'époque.